DES HOMMES ET DES DIEUX

Le film sur les moines de Tibhirine

 

 

 

"Un récit alerte et chaleureux qui restitue la saveur humaine et la profondeur spirituelle d'une aventure inédite." (La Croix)

"Passionnant et remarquable : un récit de tournage qui est aussi un petit traité de christianisme." (Le Figaro)

"Plus qu'un making of : le récit d'une aventure collective marquée du souffle de l'Esprit." (Réforme)

"Un exceptionnel voyage initiatique et spirituel derrière la caméra de Xavier Beauvois." (AFP)

"Une expérience unique dans l'histoire du cinéma." (Dimanche)

"Le récit d'une transfiguration." (La Procure)

 

Au Maroc avec Lambert Wilson

 

A Cannes avec Michael Lonsdale

 

Les acteurs principaux du film de Xavier Beauvois

 

 

Interview d'Henry Quinson pour "Il est vivant"


Le 8 septembre sort sur les écrans « Des hommes et des dieux » de Xavier Beauvois, qui retrace les dernières années des moines de Tibhirine. Henry Quinson, conseiller monastique du film, sacré grand prix du jury du festival de Cannes 2010, partage avec nous son expérience.
Propos recueillis par Claire Villemain

Comment et pourquoi avez-vous participé à ce film ?
Le 7 avril 2009, à 11h24, je reçois un mail d’Etienne Comar qui souhaite me rencontrer au sujet d’un film sur les moines de Tibhirine. Je n’en crois pas mes yeux, car j’ai moi-même présenté cette idée le mois précédent à un vieil ami qui travaille chez Pathé. Il était sceptique : « Tu n’es pas scénariste professionnel, et ces sept moines qui se font tuer ce n’est pas très gai…Chez Pathé on fait surtout des comédies. » Le 12 avril, après réflexion, je réponds à Etienne Comar, qui me propose aussitôt de rencontrer Xavier Beauvois à Paris le 4 juin. Je suis impressionné par le ton et la maîtrise du sujet de mes deux interlocuteurs. Une phrase du réalisateur ôte presque toutes mes hésitations : « Je veux montrer le mystère de l’Incarnation pascale. » Une amitié se noue. Très vite, Xavier me demande d’être son « conseiller monastique » en raison de mon expérience de cinq ans à l’abbaye de Tamié, du fait que je connaissais quatre des frères assassinés, que je suis allé à Tibhirine, que j’ai traduit l’enquête de John Kiser et que j’ai moi-même écrit un livre sur Frère Christophe.

Concrètement, en quoi a consisté votre rôle de conseiller monastique ?
J’ai travaillé sur la base de deux contrats, l’un pour le scénario, l’autre pour l’ensemble du film, c'est-à-dire : décors, costumes, chants, immersion en monastère et conseils aux acteurs, présence continue sur le tournage auprès du réalisateur Xavier Beauvois.
Le tournage m'a demandé énormément de vigilance et de disponibilité, de fermeté et de diplomatie. Ma fonction de conseiller était transversale et pouvait donc perturber toutes les hiérarchies et les prés carrés… Les acteurs m’ont beaucoup encouragé à assumer ce rôle stimulant pour tous, mais parfois dérangeant. Quand il fallait faire face à des oppositions, je les ai toujours confiées aux frères, eux qui ont souffert jusqu’à la mort. Mes petites contrariétés et rebuffades n’étaient pas grand-chose par rapport à leur martyre !

Personnellement, comment avez-vous vécu ce tournage ?
Je garde le souvenir d’une collaboration très fructueuse et mes relations avec l’ensemble de l’équipe ont été sans cesse vers plus d’estime mutuelle au service du film. Xavier Beauvois me considère comme un ami, et c’est réciproque.
Mon souvenir le plus étonnant reste la tempête de neige que le Ciel nous a envoyé pour la scène de l’enlèvement. Elle a effacé toutes les ténèbres prévues par le scénario initiale (têtes coupées retrouvées). Pour moi, c’est un miracle (la neige a fondu dès le lendemain).

Lambert Wilson, l’acteur principal, parlait lors de la conférence de presse à Cannes d’une expérience unique de fraternité entre les acteurs…
Les acteurs ont été profondément marqués par cette fraternité vécue jusqu’à l’extrême. Les échanges ont été très profonds et denses. Des amitiés sont nées. Le fait d’avoir partagé nos repas matin, midi et soir pendant deux mois a été déterminant. L’Esprit des frères s’est transmis par le couscous et le tajine !


Quelles ont été vos relations avec le réalisateur Xavier Beauvois ?
Xavier Beauvois est un homme de cœur. Nos relations ont été intenses et personnelles. Il a su écouter tous les jours mes remarques sans pour autant perdre sa créativité, au contraire. J’ai été frappé par son intégrité, son amour des êtres, son intelligence artistique. Je lui serai toujours reconnaissant de m’avoir associé à l’ensemble de son travail. Ce chef d’œuvre est l’expression de son être profond. Il vient d’une source très pure et d’une aspiration très haute, bien cachées par son caractère fantasque et haut en couleur.
Je veux aussi louer le travail d’Etienne Comar, le scénariste, car son idée de bâtir le film sur la période 1993-1996 est à la fois judicieuse et courageuse. Judicieuse parce que cette période correspond au journal de Frère Christophe (une mine de renseignements de première main) et à la période clé pour comprendre la décision de la communauté de rester à Tibhirine malgré la menace du terrorisme et la pression des autorités. Courageuse parce qu’il aurait été plus spectaculaire de faire un thriller sur les 56 jours de captivité (dont on ne sait pas grand-chose) et sur la mort des moines (qui fait régulièrement la une de l’actualité).


Comment expliquez-vous l’engouement presque unanime de la presse et des critiques ?
C’est un chef d’œuvre de sobriété et d’émotion spirituelle. Le film est d’une grande beauté (le Moyen Atlas, les visages), original dans le fond (fidélité des moines à leur vocation) et dans la forme (la liturgie comme seule musique de film), et la tension dramatique en fait un vrai récit, non un prêche abstrait ou verbeux. Lors de la projection à Cannes, j’ai pris conscience que ce travail n’était pas seulement un beau film mais un Evangile incomparable, une cathédrale des temps modernes, un Souffle de lumière (très beau travail de Caroline Champetier, directrice de la photographie). L’ovation à la fin du film m’a ému, et plus que tout, la parole de Xavier Beauvois à mon oreille m’a confirmé son intégrité totale quand il m’a pris dans ses bras : « La palme, on s’en fout ; ce soir, les frères ont gagné. »

Et vous, regrettez-vous la palme ?
Les moines n’aiment pas les premières places. La seconde marche du podium leur sied mieux. C’est l’élégance des hommes du silence et de l’humilité.

Que penser du Prix de l’Education nationale ?
Je trouve très intéressant qu’une institution si attachée à la laïcité ait osé aborder ainsi le fait religieux. Car le film montre bien toute la complexité des identités confessionnelles, oscillant entre violence et fraternité.

A votre avis, quel sera l’impact sur les spectateurs ?
L’impact sur les spectateurs sera considérable. Il s’agit d’une théologie narrative en image et en chants d’une puissance indicible. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » : voilà ce que l’on emporte dans son cœur après avoir vu ces disciples du Christ douter, avoir peur et finalement accepter la joie du don suprême.

« Des hommes et des dieux » qui porte à l’écran l’expérience monastique, n’est pas sans rappeler « Le Grand Silence » ou « L’Île ». Serait-ce la naissance d’un nouveau genre ?
« Le Grand Silence » est un documentaire sans récit dramatique et sans clé de lecture chrétienne : on ne sait pas pourquoi ces frères chartreux vivent ainsi. "Des hommes et des dieux" offre une vraie catéchèse chrétienne et des chants liturgiques en français très évocateurs. Le spectateur assiste à leur quête de Dieu et comprend leur amour des hommes. « L’Île » est un très beau film mais une fiction totale, à la différence du film de Xavier Beauvois inspiré d’une histoire vraie. Il y a donc là trois film dont le sujet est monastique mais "Des hommes et des dieux" est un genre hybride : réalisme d’un documentaire, libertés d’une fiction.