LES FRERES TRAPPISTES ASSASSINES :
FRERE BRUNO est né Christian Lemarchand le 1er
mars 1930 à Saint-Maixent, dans les Deux-Sèvres. Fils
d'officier, il a grandi en Syrie, en Indochine et en Algérie.
Ordonné prêtre à 26 ans, il est nommé
professeur de français au Collège Saint-Charles
à Thouars. Il sera directeur de cet établissement
pendant quinze ans avant d'entrer à Notre-Dame de
Bellefontaine en 1981. En 1989, il rejoint Notre-Dame de l'Atlas
à Tibhirine, où on lui confie la charge
d'hôtelier. En 1990, il est envoyé à l'annexe du
monastère à Fès, au Maroc. Il revient en
Algérie en mars 1996 pour participer à
l'élection d'un nouveau prieur. Il avait soixante-six ans
quand il est mort.
FRERE CELESTIN, né Célestin Ringeard le 27
juillet 1933, a été élevé par sa
mère suite à la mort de son père six semaine
après sa naissance. Séminariste à Nantes, il est
appelé sous les drapeaux et envoyé en 1958 comme
infirmier en Algérie, où il sauve de la mort un
officier FLN. Ordonné en 1960, il est prêtre de paroisse
jusqu'en 1975, puis éducateur de rue auprès des
alcooliques, des délinquants et des prostituées. Ce
n'est qu'en 1983 qu'il entre à Notre-Dame de Bellefontaine. De
là il rejoint Tibhirine en 1986. Doué pour la musique,
il devient chantre. Malgré une grave opération
cardiaque en France début 1994, il retourne en Algérie.
Il avait soixante-deux ans quand il est mort.
FRERE CHRISTIAN-MARIE, né Christian de Chergé
le 18 janvier 1937 à Colmar, est fils d'officier, issu d'une
famille aristocratique qui a une longue tradition dans les armes. Il
passe une partie de son enfance en Algérie. En 1959, il
interrompt ses études au séminaire des Carmes pour
faire son service militaire à Tiaret comme officier de la SAS.
La guerre d'Algérie le marque particulièrement, car un
musulman lui sauve la vie et meurt égorgé en
représailles. De retour à Paris, il est ordonné
prêtre en 1964 et devient chapelain au Sacré-Cœur de
Montmartre et directeur de la Maîtrise avant de décider
de se faire moine trappiste en 1968. Il entre alors à
Notre-Dame d'Aiguebelle pour rejoindre Tibhirine en 1971. Il est
envoyé deux ans à Rome pour étudier l'arabe et
l'islamologie, puis revient dans sa communauté dont il est
élu prieur en 1984, et réélu en 1990. Il avait
cinquante-neuf ans quand il est mort.
FRERE CHRISTOPHE, né Christophe Lebreton le 11
octobre 1950, est le septième d'une famille catholique de
douze enfants ; son père est directeur d'une
coopérative d'élevage de taureaux dans la vallée
de la Loire. Il fait son service national comme coopérant
auprès d'enfants handicapés mentaux à Alger. En
1974, il décide d'entrer à Notre-Dame de Tamié,
en Savoie, d'où il rejoint Tibhirine en 1987. Il y devient
responsable du jardin et de la liturgie. Il sera aussi maître
des novices. Il écrira de nombreux poèmes ainsi qu'un
journal, publié en 1999. Il avait 45 ans quand il est mort.
FRERE LUC est né Paul Dochier le 31 janvier 1914.
Fils d'un fabricant de chaussures, il fait ses études de
médecine à Lyon avant d'entrer à Notre-Dame
d'Aiguebelle en 1941. Il arrive à Tibhirine en 1946 pour vivre
parmi les plus pauvres des Français pauvres, qui, à
l'époque, sont des Français musulmans. Il accueille les
nombreuses personnes qui se pressent au dispensaire du
monastère, tout en étant le cuisinier de la
communauté. Il avait quatre-vingt-deux ans quand il est mort.
FRERE MICHEL est né Michel Fleury le 21 mai 1944
près de Pontchâteau en Loire-Atlantique, dans une
famille rurale catholique assez modeste. Après quatre ans de
grand séminaire à Nantes, dont une année de
stage en monde ouvrier, il s'oriente vers l'institut du Prado, qui
est soucieux de vivre l'Evangile avec les pauvres. Devenu
frère, il prend des engagements syndicaux à Marseille,
vit ensuite à Lyon et en banlieue parisienne avant de revenir
dans la citée phocéenne. Il est en contact constant, de
vie et de travail, avec les travailleurs immigrés d'Afrique du
Nord. En 1980, il devient novice à Notre-Dame de
Bellefontaine, mais la majesté de l'abbaye le met mal à
l'aise. En 1984, il part pour Tibhirine, où il travaille comme
aide-cuisinier et jardinier. Il est mort le jour même de ses
cinquante-deux ans.
FRERE PAUL, né Paul Favre-Miville le 17 avril 1939,
dans les montagnes de Haute-Savoie, est le fils d'un forgeron, seul
garçon dans une famille de quatre enfants. Il fait son service
militaire en Algérie comme officier parachutiste de 1960
à 1961, puis il retourne travailler dans l'atelier de son
père avant de devenir artisan plombier-chauffagiste. En 1984,
il entre à Notre-Dame de Tamié, mais, à la
recherche d'une plus grande simplicité dans sa vocation, il
part pour Tibhirine en 1989. Ses compétences en
mécanique, inestimables pour le monastère où il
est aussi hôtelier, lui valent le surnom de " l'homme aux mains
en or ". Il avait cinquante-sept ans quand il est mort.
LES MOINES SURVIVANTS :
FRERE AMEDEE, né Jean Noto le 17 octobre 1920,
à Alger, entre dans la congrégation des Pères
blancs, où il montre vite un grand désir de travailler
avec les musulmans. On lui conseille alors, pour réaliser au
mieux sa vocation de prière et de simple travail manuel, de
devenir moine trappiste. C'est ainsi qu'il entre au monastère
de Tibhirine en 1946 et est ordonné prêtre en 1952.
Amédée était très proche des gens du
village. Il n'a pas été enlevé en mars 1996, et
a pu participer à la " cellule " d'Aiguebelle, à
Notre-Dame d'Afrique, qui devait retourner à Tibhirine.
L'Ordre cistercien ayant finalement renoncé à une
présence monastique en Algérie, il vit maintenant au
Maroc, au sein de la communauté trappiste de Midelt, ancienne
annexe de Tibhirine.
FRERE JEAN-PIERRE est né le 14 février 1924
en Lorraine, dans une fervente famille ouvrière catholique de
six enfants. Suite à l'invasion allemande de
l'Alsace-Lorraine, Jean-Pierre, alors âgé de dix-huit
ans, est enrôlé dans l'armée allemande. Il
échappe à l'envoi sur le front russe grâce
à un faux diagnostic de tuberculose lors de la visite
médicale militaire. Après des études chez les
maristes, il est ordonné prêtre en 1953, et entre
à Notre-Dame de Timadeuc, en Bretagne, en 1957. Sept ans plus
tard, en 1964, lui et trois autres moines de Timadeuc
répondent à un appel de l'évêque d'Alger
demandant des moines supplémentaires pour Notre-Dame de
l'Atlas. Le 21 mai 1996, Jean-Pierre, seul survivant avec
Amédée, est nommé, à Fès,
supérieur ad nutum, le jour même de la mort des sept
frères - qui ne fut connue que le 26 mai suivant. Le 18
septembre 1997, il est, cette fois-ci, élu à cette
fonction par ses frères et devient le successeur
immédiat de Christian de Chergé. Le 30 janvier 1999, il
arrive au terme de son mandat, ayant atteint l'âge limite de 75
ans. Il sera remplacé par un autre Jean-Pierre, le Père
Flachaire.
QUELQUES PERSONNALITES MUSULMANES :
ALI BELHADJ est professeur d'arabe à l'école
primaire et prêche à Alger quand il est
arrêté en 1980 au motif d'avoir des sympathies
politiques douteuses. En prison, il se met à lire des
écrits de la mouvance islamique révolutionnaire et ses
idées se radicalisent sous l'influence des militants
islamistes avec qui il est incarcéré. Après ses
quatre années de captivité, il continue de
prêcher et de dénoncer la corruption et le
sécularisme du gouvernement. Il devient l'idole d'une bonne
partie de la jeunesse au chômage. En 1989, il accède
à la vice-présidence du Front Islamique du Salut (FIS)
nouvellement créé, qui unifie les différentes
organisations islamistes militantes. En 1991, Ali Belhadj est
arrêté. En mars 1992, le FIS est dissous, et son
numéro 2 est condamné, en juillet 1992, par un tribunal
militaire, à douze ans de prison pour " atteinte à la
sûreté de l'Etat ". Libéré le 2 juillet
2003, il est à nouveau interpellé le 28 juillet 2005
à Alger, après avoir justifié, sur la
chaîne arabe Al-Jazira, le rapt de deux diplomates
algériens à Bagdad, qui seront exécutés
peu après par le groupe d'Abou Moussab al-Zarqaoui,
affilié à Al-Qaïda. Ali Belhadj est toujours en
prison aujourd'hui.
MOHAMMED BOUDIAF, juriste de tendance socialiste, est l'un
des pères fondateurs du Front de Libération Nationale
(FLN) en 1954. Il passe vingt-sept années en exil après
son arrestation en 1963 par le Président Ben Bella parce qu'il
s'oppose au monopole politique du FLN. En 1992, le gouvernement en
crise lui demande de prendre la présidence du pays. Mohammed
Boudiaf est assassiné le 29 juin 1992 par l'un de ses gardes
du corps.
MOHAMMED BOUSLIMÂNÎ, responsable d'une
association charitable musulmane, Irchâd wa-Islâh, est un
penseur musulman engagé très respecté. Il est
enlevé par des membres du GIA en novembre 1993. Ses ravisseurs
cherchaient le soutien d'une grande figure religieuse reconnue pour
leur campagne de guerre totale. Il refuse de se compromettre avec
ceux qui font la guerre au gouvernement, surtout à cause de
leur tactique consistant à tuer des civils sans
défense. Son corps est retrouvé en janvier 1994.
IBN TAYMIYYA (1263-1328), est un théologien musulman
dont les écrits sont exploités de manière
sélective par certains extrémistes en Algérie.
Sa doctrine vise à harmoniser le rôle respectif de la
tradition, de la raison et du libre arbitre et prône un "
réformisme conservateur ". Il pense que religion et
gouvernement ont besoin l'un de l'autre. Il soutient que le pouvoir
du gouvernement est nécessaire pour rappeler aux citoyens
leurs obligations religieuses et leur soumission à la loi
coranique. Mais, symétriquement, sans la soumission du
gouvernement lui-même à la loi divine, le pouvoir
politique risque de devenir tyrannique. Cette approche
exégétique très stricte dans son
interprétation du Coran se reflète dans la
manière dont l'islam est pratiqué aujourd'hui en Arabie
Saoudite, pays qui n'a pas manqué pas de soutenir les
mouvements islamistes en Algérie.
ABASSI MADANI est professeur d'université, docteur
en sciences de l'éducation, avant de se mettre à
prêcher au milieu des années quatre-vingt. Ancien
membre, désenchanté, du FLN, il devient, avec Ali
Belhadj, un des co-fondateurs du FIS en 1989, à la suite des
violentes manifestations étudiantes qui déclenchent les
vastes réformes constitutionnelles mettant fin au monopole
politique du FLN. Le 30 juin 1991, Abassi Madani est
arrêté, et le FIS est dissous l'année suivante.
Condamné à douze ans de prison pour " atteinte à
la sûreté de l'Etat ", il est incarcéré
à la prison de Blida. Il sera relâché en 1997. Il
est aujourd'hui en résidence surveillée.
DJAMEL ZITOUNI est un jeune Algérien " afghan " qui
s'est battu contre les Soviétiques. A l'automne 1994, il
devient l'émir suprême des Groupes islamiques
armés (GIA), l'un des groupes armés d'opposition
islamiste en guerre contre le gouvernement. Sous son autorité,
toute restriction concernant l'assassinat des civils disparaît,
et sa guerre sainte s'étend au territoire français. On
annonce sa mort en juillet 1996, deux mois après l'assassinat
des sept moines de Tibhirine. Selon François Gèze, "les informations dont nous disposons à ce jour attestent de façon indiscutable que Djamel Zitouni était un agent du DRS." Il aurait donc pris ses ordres du général Smaïn Lamari (chef de la Direction du contre-espionnage et numéro deux du DRS derrière le général Toufik Médiène, depuis septembre 1990) et le colonel M'Henna Djebbar (chef du CTRI de Blida, antenne du DRS dans l'Algérois, de 1990 à 2001).
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