H   hh
Les moines de Tibhirine

John Kiser___-

  || ACCUEIL ||
   
 

L'Algérie, ou le monde en miniature :

des moines, des musulmans et le zèle de l'amertume

par John Kiser

(traduit de l'américain par Henry Quinson )

 

Cet article, paru en anglais en 2003 dans le volume 38.3 de Cistercian Studies Quaterly, s'inspire d'une conférence donnée par l'auteur en janvier 2003 à l'Alliance Française, à Washington DC, devant un auditoire d'Algériens, d'Européens et de représentants des services de renseignements des Etats-Unis.

Ce texte peut être téléchargé en format PDF ici. 

 

Présentation

L’enlèvement et l’assassinat, il y a tout juste dix ans, de sept moines trappistes à Tibhirine, en Algérie, marquèrent profondément les esprits de part et d’autre de la Méditerranée. Dans le contexte actuel de lutte contre le terrorisme international, la traduction du livre de John Kiser, Passion pour l'Algérie, les moines de Tibhirine (Nouvelle Cité, mars 2006) apporte un éclairage original sur une question essentielle : comment les religions peuvent-elles être à la fois la source de tant de bien et de tant de mal dans le monde ? L’auteur trouve des réponses éclairantes en observant ce qui s’est vécu au village de Tibhirine, et en réactualisant les réflexions de saint Benoît sur les dangers du « zèle amer » qui peut animer la vie des croyants, quelle que soit leur confession.

En effet, les attitudes religieuses peuvent être à l’origine de terribles conflits lorsqu’elles sont alimentées par la colère et la haine et qu’elles aboutissent à exclure autrui. Mais l’histoire des moines de Tibhirine montre qu’elles peuvent aussi être une source de réconciliation et d’apaisement quand elles procèdent d’un esprit d’amour fraternel au service d’un Dieu qui ne pratique pas l’anathème.

Dans cette histoire d’amitié et de sacrifice, d’enlèvement et de sauvagerie, la vie monastique des frères de Tibhirine apparaît comme un trait d’union entre les mondes musulman et chrétien, et permet de découvrir différents visages de l’islam. En dépit de ses vicissitudes, cette religion devrait être considérée par l’Occident dans sa complexité et sa variété, en cherchant les éléments qui la rapprochent du judaïsme et du christianisme. Le monde musulman est en mutation, comme on peut le constater en Algérie. Encore faut-il le comprendre pour faciliter ces évolutions.

Le retour du « religieux »

Il existe un modèle utilisé par les stratèges des ministères de la Défense et des Affaires étrangères pour anticiper les mouvements sur l’échiquier diplomatique et militaire. On l’appelle le modèle des « décisions rationnelles », où seuls comptent les intérêts nationaux et les rapports de force politiques pour expliquer les comportements internationaux. La religion n’y joue aucun rôle. Il y a fort à parier que c’est là une part de l’héritage que nous ont légué les philosophes du siècle des Lumières, pour la plupart des Français, pour qui la religion appartenait à une époque préscientifique de superstitions, de fantômes et de forces irrationnelles incontrôlables. A l’horizon de l’Histoire, soutenaient certains de ces intellectuels éclairés, la combinaison de la science, de la technologie et de la raison humaine suffirait à promouvoir le progrès humain. La religion perdrait toute raison d’être, ou, comme l’annonçaient les marxistes, mourrait de sa belle mort.

Or, de toute évidence, la religion n’a pas disparu, et il est probable qu’elle subsiste tant que les êtres humains aspireront à découvrir un sens plus profond à leur existence et ne se contenteront pas de la course aux plaisirs ou de la fuite devant la souffrance, tant qu’ils voudront des réponses qui vont au-delà de la physique moléculaire, et aussi longtemps que notre raison humaine perfectible n’aura pas apporté toutes les réponses à la question du mystère de la vie et à l’inconnu de la mort.

Il est curieux, assurément, de constater que les Etats-Unis, supposés être l’archétype de la société moderne sientifique-technologique-matérialiste, et maintenant porte-drapeau de la lutte contre le fanatisme religieux et politique dans le monde musulman, sont eux-mêmes un foyer de fermentation et de réveil religieux, en particulier parmi les sectes protestantes évangéliques. Et, comme dans beaucoup de pays musulmans, la classe politique américaine doit répondre aux critiques, sur le terrain des valeurs morales, d’une minorité chrétienne blessée mais politiquement très active : critiques d’une culture perçue comme centrée sur soi, violente, aux mœurs relâchées, matérialiste, destructrice de la cellule familiale, irrespectueuse du caractère sacré de la vie, et anti-chrétienne. Si quelqu’un en doute ou veut avoir une idée de ce christianisme politique, il lui suffira d’écouter des radios chrétiennes aux Etats-Unis. Leur message est à la fois stimulant et irritant. Point n’est besoin d’avoir bénéficié d’un second « baptême dans l’Esprit » pour admettre le bien-fondé de la plupart de leurs reproches ; c’est le ton employé qui peut agacer. On a l’impression que les chrétiens sont les seuls à posséder toutes les réponses à toutes les questions.

Aussi vais-je me risquer, malgré tout, à parler de religion. Tout d’abord parce que le livre que j’ai écrit s’intéresse à des musulmans et à des chrétiens qui se définissent par leur foi, une foi pour laquelle ils sont prêts à mourir. Ensuite, parce que je ne crois pas que les Etats-Unis, ni aucun autre pays au monde, ne puisse prendre position dans les conflits qui agitent le monde musulman sans une profonde compréhension, et une sorte d’empathie, pour le rôle considérable que joue la foi dans la vie de tous les musulmans. L’islam est leur drapeau, leur maison et la source de leurs valeurs morales et sociales.

Dieu « inclusif » et Dieu « exclusif »

L’un des grands paradoxes des religions, c’est leur immense pouvoir de faire le bien tout autant que le mal, au nom de ce pauvre « Dieu ». L’une des raisons qui m’a poussé à écrire ce livre sur les moines de Tibhirine était mon désir d’entrer dans le monde de ces hommes qui avaient gagné mon admiration par la manière dont ils avaient vécu leur foi chrétienne en exprimant un amour fraternel véritablement universel et inconditionnel. J’ai pensé que leur histoire pourrait aussi fournir une fenêtre par laquelle on découvrirait les diverses formes de l’islam en Algérie et, par extension, dans le monde.

Si l’on peut établir une sorte de cadre pour la discussion, je voudrais avancer une division du monde que je crois plus importante, pour le long terme, que l’opposition, à la mode et trompeuse, du monde occidental et de l’islam. C’est la division entre ceux qui croient que le but de la vie est de se préparer à l’au-delà et ceux qui croient que l’idée d’une existence après la mort est ridicule. George Orwell ne considérait-il pas que la plus grande calamité du XXe siècle avait été la perte de la foi en l’immortalité de l’âme ? Il y a évidemment un troisième groupe : ceux qui ne sont pas sûrs, mais qui croient prudent de faire comme s’il y avait un monde invisible à venir.

Parmi ceux qui croient ou ne croient pas, je propose une autre division qui joue un rôle capital dans les questions de guerre et de paix. La division entre ceux qui croient au « Dieu inclusif » et ceux qui croient au « Dieu exclusif ». Cette distinction est devenue officielle quand le Pape Jean XXIII a conduit l’Eglise catholique, au cours des discussions de Vatican II, à redécouvrir cette vérité évangélique : le Royaume de Dieu est plus grand que l’Eglise. Une telle pensée est toujours considérée comme une hérésie par les catholiques traditionalistes et de nombreuses confessions protestantes. Avec Vatican II, l’Eglise catholique a accepté que Dieu puisse être aimé de diverses manières et que le salut soit, en dernière analyse, un mystère.

« Dieu est plus grand que l’Eglise. » Les musulmans affirment simplement que « Dieu est plus grand. » Plus grand que quoi ? Quelle que soit notre définition de Dieu, il est plus grand, parce que nous sommes ses créatures, limitées et finies, et que Dieu est à tous égards infini. Sans être moi-même catholique, je fais mienne la vision du monde de Vatican Il. Je fais mienne également la vision du monde musulmane exprimée par l’Emir Abdelkader, le « George Washington » de l’Algérie, à la fois combattant de la guerre sainte, poète mystique de tradition soufie et homme d’Etat, qui causa bien des tourments aux Français pendant quinze ans, alors que ceux-ci se demandaient s’ils allaient coloniser l’Algérie et comment ils allaient procéder. C’est une vision du monde souvent citée, avec approbation, par des catholiques d’Algérie qui sont familiers des écrits spirituels d’Abdelkader.

Son message est important, car il est toujours objet de vénération dans la majeure partie du monde arabe. Je crois (ce n’est qu’une impression et non le résultat d’un sondage scientifique), que son ouverture d’esprit correspond à celle de la majorité des musulmans d’aujourd’hui, même si, en son temps, il a férocement combattu des chrétiens. Comme beaucoup de musulmans, il n’avait, en fait, rien à reprocher au christianisme, mais plutôt aux chrétiens qui ne vivaient pas leur foi en vérité. Vers la fin, Abdelkader devint une figure mondialement respectée, à cause de sa pratique d’un islam qui le conduisit à sauver la vie de 8 000 à 10 000 chrétiens qui allaient être massacrés à Damas par d’autres musulmans, en un temps où il vivait, lui, en exil. Dans ses Ecrits spirituels, Abdelkader note :

« Si tu penses que [Dieu] est ce que croient les diverses communautés – musulmans, chrétiens, juifs, mazdéens, polythéistes et autres –, Il est cela et il est autre que cela ! Et si tu penses et crois ce que professent les Connaisseurs par excellence – prophètes, saints et anges –, Il est cela et il est autre que cela ! Aucune de Ses créatures ne l’adore sous tous Ses aspects ; aucune ne Lui est infidèle sous tous Ses aspects. Nul ne le connaît sous tous Ses aspects ; nul ne l’ignore sous tous Ses aspects. […] Chacune de Ses créatures L’adore et Le connaît sous un certain rapport et L’ignore sous un autre. […] Dès lors, l’erreur n’existe pas en ce monde, si ce n’est de manière relative. »[1]

Contre ceux qui croient que « Dieu est plus grand »[2], il y a ceux qui croient que « Dieu est plus petit », à savoir ceux qui pratiquent l’exclusion comme avant Vatican II ; ils existent dans toutes les confessions se réclamant d’Abraham. La maison de leur Dieu est petite ; elle n’a qu’une porte et qu’une clé. Leur conception de la vérité est trop étriquée pour que d’autres puissent en posséder une part, exprimée différemment. Le Cheikh al-‘Alawî, un soufi du XXe siècle, maître et fondateur de la confrérie alawîe de Mostaganem, en Algérie, répondit à ses critiques musulmans en des termes qui pourraient s’appliquer à tous ceux qui croient que « Dieu est plus petit », toutes confessions confondues. En substance, il affirmait que l’islam, qui ne possède pas de sacerdoce, est constitué d’un grand nombre de personnes très limitées qui s’imaginent que toute la religion est à leur portée et que tout ce qui dépasse leur faible compréhension se situe au-delà des frontières de l’islam.

Les moines de Tibhirine est, entre autres choses, l’histoire de cette lutte entre le « Dieu inclusif » et le « Dieu exclusif », tant du côté des chrétiens que du côté des musulmans. C’est aussi une réflexion sur ce qu’est une communauté et comment elle peut se définir pour arriver à conserver son identité particulière tout en restant ouverte au changement et au progrès. Les moines de Tibhirine ont relevé ce défi, et les musulmans s’y emploient aujourd’hui. L’affaire de l’enlèvement et du meurtre des moines est loin d’être classée, car certaines questions demeurent sans réponse à ce jour. Mais, si l’histoire proprement dite se termine mal, elle est pour moi, en définitive, pleine d’espérance pour l’avenir des relations entre chrétiens et musulmans. Les réflexions qui vont suivre voudraient expliquer les raisons de cet optimisme.

Le Cardinal Duval et la guerre d’Algérie

Que faisaient des moines trappistes en Algérie, me direz-vous, plusieurs décennies après l’indépendance, alors que la communauté chrétienne dans ce pays musulman avait subi une terrible hémorragie ? L’explication vient principalement de l’un de ces croyants en un « Dieu plus grand », l’évêque français Mgr Léon-Etienne Duval, qui fut nommé au diocèse d’Alger en 1954. Sous son autorité, l’Eglise d’Algérie pratiqua un christianisme authentiquement universel, qui la caractérise encore aujourd’hui. Ceci eut pour effet de créer un lien de respect mutuel, depuis 1962, qui vaut pour l’immense majorité des Algériens, y compris beaucoup de terroristes eux-mêmes.

Mgr Duval fut une grande figure morale pendant ces sept années de guerre que l’on se bornait alors à appeler, en France, les « événements » d’Algérie. En insistant sur le devoir des chrétiens de respecter tous les enfants de Dieu, il fut confronté à des dissensions dans l’Eglise. Les chrétiens nationalistes, favorables au maintien de « l’Algérie française » pensaient que leur devoir religieux suprême était de servir la France et qu’en servant la France ils servaient la cause de la civilisation chrétienne, de la modernité, des Lumières, des valeurs menacées par les forces des ténèbres représentées par le double péril du communisme athée et de l’islam barbare. Ceux qui suivirent les exhortations de Mgr Duval pensaient que leur allégeance suprême n’allait pas à la France mais au message de l’Evangile. Mgr Duval n’était pas un diviseur mais un artisan d’unité.

L’ordination épiscopale de Mgr Duval en la cathédrale Saint-Philippe, en février 1954, faisait de lui le responsable suprême de la communauté chrétienne de l’Algérie française. Son homélie suscita de fortes réactions chez ceux qui attendaient de lui un soutien moral à leurs positions politiques. Ce sermon constituait un avertissement :

« Les musulmans et les juifs savent que notre christianisme réclame de nous que nous les aimions, eux aussi. Aimer Dieu veut dire aimer tous ses enfants comme des frères. Les musulmans et les juifs savent que lorsque nous n’obéissons pas à ce commandement, nous trahissons notre idéal de chrétiens. […] Un évêque catholique se doit à tous. Sinon, il serait le chef d’une secte. »[3]

Mgr Duval fut dénigré par nombre de pieds-noirs et par les tenants de l’Algérie française, pour qui « l’amour fraternel » et « la justice pour tous » étaient absents de leur catéchisme s’il s’agissait d’Arabes ou de musulmans. Ses ennemis l’appelèrent « Mohammed Duval ». Les portes de ses églises furent barbouillées d’excréments et sa vie menacée. Mais une bonne partie du clergé resta solidaire, ainsi que les moines de Tibhirine, qui vivaient au cœur d’une région très sensible, au sud d’Alger.

Un monastère en terre d’islam

Contrairement aux fermiers français des environs, les récoltes des moines n’étaient jamais brûlées par les « fellaghas ». Lorsque l’armée française bombarda au napalm les villages des montagnes alentour, les moines prirent chez eux plusieurs des familles en fuite et leur fournirent un refuge dans des bâtiments inutilisés. Plus tard, ils embauchèrent certains de ces hommes pour travailler dans leurs champs. Peu à peu un village se forma autour du monastère, qui prit le nom de Tibhirine.

Les moines habitaient dans la région de Médéa depuis 1938 et faisaient partie d’un Ordre dont la présence en Algérie remontait à 1847. Contrairement à l’Eglise d’Algérie d’après 1962, toutes les congrégations religieuses qui s’implantèrent en Algérie au cours du XIXe siècle le firent dans le cadre d’une stratégie politique réfléchie. Les autochtones avaient été déconcertés par l’athéisme des envahisseurs français : ces soldats ne priaient jamais. Où étaient leurs responsables religieux et leurs lieux de culte, se demandaient-ils ? Quelle sorte de barbares ingrats étaient ces gens qui ne reconnaissaient pas leur Créateur ? Faire venir des moines en Algérie avait donc pour objectif principal de gagner le respect des Arabes. Ainsi, le premier monastère trappiste fut-il construit dans la plaine de Staouëli, en dehors d’Alger, là même où les Français avaient gagné leur première victoire sur les Turcs en 1830. Des boulets de canon furent symboliquement placés sous les fondations. L’arrivée des moines faisait partie d’une entreprise française de domination de sa nouvelle colonie, fondée sur l’alliance « du sabre, de la charrue et de la croix ». Le sabre devait assurer la soumission et l’autorité, la charrue la culture du sol et l’enracinement, et la croix le souffle spirituel et la civilisation.

Malgré toutes les bonnes œuvres réalisées par l’Eglise – nourriture pour les pauvres pendant les famines, orphelinats, dispensaires, et écoles avant et après l’indépendance – la croix demeure un mauvais souvenir associé au mépris du peuple arabe et de sa langue. L’institution ecclésiale a laissé un goût doux-amer. Pour les plus jeunes et les plus radicaux, qui n’ont jamais eu de relations personnelles avec un prêtre ou des chrétiens, les symboles religieux comme la croix ou une église peuvent passer pour de la provocation. Pour certains, ils sont un rappel du triomphalisme arrogant et blessant du passé, comme la statue du Cardinal Lavigerie à Alger, dont l’avant-bras droit, qui tenait victorieusement une croix, fut scié après l’indépendance.

Après l’étrange assassinat de son évêque auxiliaire en 1976, Mgr Duval demanda aux prêtres de son diocèse de ne plus porter d’habits religieux ou de croix ostensibles. Les églises à Alger cessèrent de sonner leurs cloches. Cependant, une communauté ignora cette recommandation : le monastère Notre-Dame de l’Atlas, à Tibhirine.

Les moines sonnèrent leurs cloches avec l’habituelle régularité de l’office divin, sept fois par jour, de quatre heures du matin à huit heures du soir. Personne dans la région ultraconservatrice de Médéa n’y trouva à redire ni ne se plaignit des frères qui faisaient le marché en habit. Les moines étaient de saints Pères qui vivaient comme de bons musulmans.

A vrai dire, l’affinité entre musulmans et moines chrétiens semblait naturelle. Un Algérien dans sa longue robe à capuchon, appelée ’abâya, ne se distinguait pratiquement pas d’un moine dans sa coule blanche de prière. Le moine et le musulman communiaient tous les deux dans la régularité formelle et communautaire de la prière. Comme les autochtones, le cénobite cistercien n’existait qu’en qualité de membre d’une famille élargie ; seul, il n’était rien. Ses frères avaient survécu collectivement pendant mille quatre cents ans grâce à la solidarité du monastère, de l’Ordre et de l’Eglise. L’architecture du cloître traduisait l’intériorisation de l’espace. Comme le voile et le gourbi algérien, cette maison en briques de paille séchée centrée sur sa cour intérieure, le monastère trappiste présentait au monde une façade protectrice qui préservait le secret des cœurs. Ces deux univers séparaient hommes et femmes pour la prière et les activités quotidiennes (avant Vatican II, les femmes ne pouvaient pas accompagner leurs maris à l’hôtellerie). Enfin, le musulman traditionnel, fût-il berbère ou arabe, attachait, comme saint Benoît, une extraordinaire importance à la vertu d’hospitalité. A vrai dire, c’était plus qu’une vertu : l’accueil était un devoir sacré.

Christian de Chergé, homme de communion

Je voudrais dire quelques mots de l’histoire elle-même, et de son principal protagoniste, Christian de Chergé. Ce troisième fils d’une famille de tradition militaire eut pour vocation particulière de rejoindre au plus profond les musulmans et de cheminer avec eux vers la connaissance de Dieu.

Elevé par une mère très croyante, il exprima, dès son plus jeune âge, le désir de devenir prêtre. D’un noble caractère, doué pour le contact, d’un esprit vif, il se distingua par une scolarité brillante. Séminariste à Paris, ses études furent interrompues en 1959 par son service militaire en Algérie.

Là-bas, sa vocation religieuse fut marquée par un événement décisif : un garde-champêtre musulman, Mohammed, lui sauva la vie. Christian avait été envoyé dans une zone de pacification rurale où sa mission consistait à entretenir de bonnes relations avec les notables locaux dont les communautés se trouvaient sous protection française, et de faire en sorte qu’ils se « sentent français ». Cet Algérien plus âgé s’interposa un jour pour convaincre les fellaghas de ne pas tuer son ami français, avec qui il se promenait dans la nature, où ils parlaient souvent de Dieu. Les terroristes épargnèrent l’officier français. Le lendemain, Mohammed, père de douze enfants, fut trouvé près de sa maison, égorgé. Pour Christian, le geste du garde-champêtre était un acte d’amour gratuit, un signe que l’Esprit de Jésus Christ habite tout homme.

Il y eut ensuite le drame de Christian qui voulait devenir un moine trappiste en Algérie, le choc et la consternation que cette décision produisit dans sa famille et chez ses amis, et les difficultés de son intégration dans une communauté de moines plus âgés qui ne partageaient pas au même degré l’esprit d’ouverture de Vatican II auquel il adhérait. Ses nouveaux Frères étaient aussi intimidés par sa formation intellectuelle, son intelligence, son enthousiasme pour tout ce qui était arabe, et ils se demandaient avec inquiétude jusqu’où cette passion pour l’islam les entraînerait. Pourtant, Christian finit par gagner la confiance de supérieurs qui croyaient en la sagesse de son discernement. En 1984, il fut élu prieur (responsable) de sa petite communauté de onze Frères, puis réélu en 1990.

Christian était doté d’une personnalité singulière. C’était un intellectuel qui pensait que la vertu de l’exemple était indispensable avant de pouvoir risquer une parole. Il estimait que les joutes intellectuelles étaient sources de divisions. Une poignée de main, un verre d’eau ou un morceau de pain partagés, disait-il, étaient plus efficaces qu’une somme théologique pour rapprocher les gens. Il jugeait sur pièce : il ne se prononçait que sur des actes particuliers, pas sur des peuples ou des gouvernements tout entiers. Il n’émettait jamais de critiques générales. C’était seulement tel acte qui était inutile ou telle décision qui n’était pas bonne. Il croyait que les hommes pouvaient évoluer si on les plaçait dans un environnement favorable. C’était un optimiste, et, pour certains, un naïf. Il cherchait toujours à voir le bon côté des gens et des événements, et se refusait à glorifier le mal en lui accordant plus d’attention qu’il n’en mérite.

Sa conviction profonde de croyant était que l’image de Dieu se trouve en toutes ses créatures et que toutes les étiquettes sont déshumanisantes. Comme un médecin qui prête le serment d’Hippocrate, il savait que les chrétiens avaient l’obligation d’ouvrir leur cœur à l’amour de tout homme, surtout les moins aimables. Ainsi, les combattants engagés dans le conflit qui faisait rage autour d’eux demeuraient des frères. Le Christ n’avait-il pas dit à ses disciples qu’aimer seulement ceux qui vous aiment n’a rien d’extraordinaire ? Même les publicains honnis le faisaient[4]. Christian appela donc les militaires les « frères de la plaine » et les terroristes les « frères de la montagne ». C’était un homme de prière qui demandait à Dieu de désarmer les autres, mais aussi de le délivrer lui-même de ces pulsions de violence et de racisme qui nous habitent tous. Ce ne sont pas seulement les armes qui tuent, mais aussi les paroles et les attitudes. Christian pensait que la religion était, au mieux, inutile si elle n’aidait pas les hommes à vivre ensemble.

La montée de la violence en Algérie

L’enlèvement de sept moines en mars 1996 fut le point culminant d’une histoire parallèle, celle de la montée en puissance du GIA (Groupe islamique armé), l’opposition armée la plus médiatisée et assoiffée de sang. L’histoire se déroule dans le contexte de la politique algérienne post-coloniale et commence avec l’émeute sanglante d’octobre 1988, qui conduisit à l’adoption d’une nouvelle constitution en 1989 et à la tenue des premières élections multipartites depuis l’indépendance. Le résultat des municipales de 1990 fut une victoire écrasante du parti islamiste, le FIS (Front islamique du salut) et laissa la nomenklatura du FLN (Front de libération nationale) en état de choc. Un an plus tard, des élections législatives devaient se tenir en décembre 1991. Après le premier tour, lorsqu’il s’avéra que le FIS, qui avait déjà gagné une majorité relative, obtiendrait une majorité absolue au second tour prévu pour le 11 janvier, le scrutin fut annulé sans autre forme de procès. Le Président Chadli démissionna, et Mohammed Boudiaf fut tiré de son exil pour devenir président d’un Haut comité d’Etat intérimaire.

En octobre 1993, un an après le déclenchement des hostilités contre le pouvoir, le GIA annonça que les étrangers avaient un mois pour quitter l’Algérie, sinon ils seraient responsables de leur propre mort. Les moines, comme tous les autres étrangers et les communautés religieuses, devaient décider de partir ou de rester. Le gouvernement français conseilla à tous ses ressortissants de quitter l’Algérie, mais les évêques laissèrent toujours les religieux décider eux-mêmes.

Insécurité partagée

L’histoire de Christian, l’islamophile, les tensions que sa vocation spirituelle généra dans sa famille et parmi ses frères moines qui n’étaient pas sensibles à son appel particulier, aboutirent à une forme d’acceptation mutuelle et de confiance. Au combat personnel de Christian succéda l’histoire des moines qui choisirent de partager l’insécurité de leurs voisins musulmans avec qui ils avaient développé un lien de dépendance et d’amitié.

La terreur devint tangible à la mi-décembre 1993 quand douze ouvriers croates, qui travaillaient sur un chantier hydroélectrique à quelques kilomètres de l’autre côté de la vallée que dominait le monastère furent égorgés par un groupe dirigé par l’émir local du GIA, Sayah Attia. Les moines eux-mêmes connurent l’angoisse quelques semaines plus tard, à la veille de Noël, quand six membres du même groupe terroriste firent irruption dans le monastère après les vêpres. Ils formulèrent trois exigences : ils voulaient de l’argent, des médicaments, et que Frère Luc vienne avec eux pour soigner leurs blessés dans la montagne.

Christian refusa calmement mais fermement. Il savait être ferme sans être agressif. La confrontation se termina par des excuses de Sayah Attia quand il réalisa qu’il avait dérangé les moines la veille de la célébration de la naissance du « Prince de la Paix ». Quand Sayah Attia quitta le monastère cette nuit-là, il précisa qu’il enverrait sous peu un émissaire pour réitérer ses exigences. Bien que l’envoyé promis ne se présentât jamais, les moines vécurent dans un climat d’inquiétude permanente.

La suite de cette terrifiante visite du « Père Noël » – surnom donné à Sayah Attia par l’un des moines – permet de mesurer comment la communauté en vint à ne faire « qu’un seul corps en Jésus Christ ». A cet extraordinaire sens de la solidarité entre les frères s’ajouta un sens profond de constituer, avec les villageois, une famille élargie. Comme l’expliqua l’un des moines, ils développèrent une sorte d’amour « maternel »[5] envers les gens du village, qui voulaient qu’ils restent avec eux. Si les moines s’en allaient, pensaient-ils, il n’y aurait plus aucun espoir pour l’avenir. Tous les six mois, après l’incident, les moines votèrent pour renouveler leur décision de demeurer à Tibhirine.

Les moines choisirent donc de vivre à l’ombre de la mort pendant près de trois ans, avec de fréquents et sinistres comptes-rendus faisant état de têtes retrouvées sur les bancs du marché de Médéa ou de mains de femme découvertes dans la rue, sans compter les assassinats, dans d’autres villes, incluant des Frères maristes, des Pères blancs et des Sœurs augustiniennes. Durant toute cette période, le village de Tibhirine fut épargné par la violence. Ni les villageois ni les moines ne furent touchés pendant deux ans et demi après la visite de Noël 1993. On rapporta que Sayah Attia avait donné aux moines son amân, ou « protection ». Les gens de la région et certains des moines étaient convaincus que leur sécurité venait du fait qu’ils vivaient à l’ombre de Lalla Maryam, la Vierge Marie, dont la statue dominait la montagne qui surplombait le monastère. Pour les musulmans, elle est la sainte Vierge-Mère, secours de toutes les mères, qui, par une naissance miraculeuse, donna au monde un envoyé de Dieu pur de tout péché.

Les moines et l’islam

Je voudrais maintenant expliquer pourquoi les moines sont importants, surtout les moines de la tradition cistercienne-trappiste, avec leur stricte observance de la Règle de saint Benoît. A mon avis, ils sont importants pour deux raisons. Tout d’abord, à une époque où, qu’on le veuille ou non, le « village planétaire » annoncé par Marshall McLuhan est, de fait, devenu réalité, les moines ont quelque chose à dire à tout le monde au sujet de l’art de vivre ensemble en communauté. Ensuite, ils sont une fenêtre occidentale ouverte sur l’âme musulmane.

Concernant l’art de vivre ensemble, le monastère trappiste est une sorte de microcosme. Il est, à lui seul, l’univers des moines. C’est un endroit où des gens différents ont choisi de vivre pour toujours dans une communauté spécifique. Ils luttent tous les jours pour vivre en paix et en harmonie les uns avec les autres, au rythme de la prière et du travail manuel : ora et labora. Les frères – ou les sœurs – font vœu de stabilité. Cela signifie qu’ils se lient à un monastère particulier pour la vie. Ils viennent de toutes sortes de milieux sociaux et professionnels, ont des niveaux d’éducation intellectuelle différents, et peuvent être d’ethnies et de nationalités diverses. La seule exigence est la sincérité de la démarche et la maturité spirituelle. Ils partagent un désir d’aimer Dieu dans le cadre d’une communauté stable de frères ou de sœurs.

Les moines savent où se trouve « l’axe du mal »[6] : il traverse chacun d’entre nous. Comme nous le rappelle l’évangéliste Jean, personne ne peut dire qu’il aime Dieu s’il déteste son prochain[7]. Le Coran dit également : « En vérité, Allah ne modifie point l’état d’un peuple, tant que les [individus qui le composent] ne modifient pas ce qui est en eux-mêmes. »[8]

Les moines et les musulmans sont des frères naturels. Le Coran déclare : « Et tu trouveras certes que les plus disposés à aimer les croyants sont ceux qui disent : ‘Nous sommes chrétiens’. C’est qu’il y a parmi eux des prêtres et des moines, et qu’ils ne s’enflent pas d’orgueil. »[9] Le monde des moines et des musulmans est tourné vers Dieu, insiste sur la vie en commun, attache de l’importance à la maîtrise de soi, à travers l’obéissance, l’humilité et l’aumône. Les cinq piliers de l’islam sont pratiqués, à leur façon, par les moines : ils aiment le Dieu unique, se rassemblent régulièrement pour la prière, jeûnent durant le carême, pratiquent le partage et l’hospitalité et, ce faisant, participent, à leur manière, à une spiritualité du pèlerinage. On retrouve là des observances proches de la chahâda, de la salât, du ramadân, de la zakât et du hadj.

L’islam et l’Occident

Si le christianisme est considéré comme faisant partie de la culture occidentale, et c’est assurément le cas même si certains fanatiques voudraient qu’il en soit autrement, et si le monachisme du désert tient une place centrale dans la tradition chrétienne, il me semble alors que l’on peut regarder l’islam comme ayant un lien de parenté avec l’Occident. En effet, l’islam emprunte une partie de sa morale et de sa théologie au judaïsme, lui-même père du christianisme.

Ces trois traditions, originaires du Moyen-Orient, revendiquent un ancêtre commun, Abraham[10], que le Coran considère comme le premier musulman. De fait, dans la tradition de l’islam « inclusif » – l’islam d’Abdelkader – les chrétiens, les juifs et tous les croyants qui cherchent à faire la volonté du Créateur sont musulmans. Un musulman est quelqu’un qui se soumet. C’est la raison pour laquelle Christian de Chergé, devant ses frères abbés au chapitre général de l’Ordre cistercien à Poyo, en Espagne, put déclarer, de manière provocante, que le Christ était le seul « musulman parfait ». Pourquoi ? Parce que Jésus était sans péché et fut envoyé dans le monde pour faire la volonté de son Père. Il donna à ses disciples le Notre Père : « Que ta volonté soit faite, sur la terre comme au ciel ! » Cette prière est tout à fait musulmane dans son intention. C’est ce que les musulmans veulent : que la volonté de Dieu soit faite sur la terre comme au ciel, car ce n’est qu’en suivant les commandements de Dieu que les hommes peuvent bâtir une société juste et harmonieuse. Les chrétiens ont toujours pensé ainsi[11]. L’islam et le christianisme se distinguent donc, l’un et l’autre, des traditions de pensée occidentales utilitaristes et individualistes, qui font l’apologie du « laissez faire » et de « l’appât du gain » à la suite d’Adam Smith ou de Jeremy Bentham.

J’irais encore plus loin dans mon raisonnement en suggérant que le meilleur de la tradition occidentale est vraiment une éthique orientale, qui vient du judaïsme et du christianisme. Le caractère sacré de chaque vie humaine réside dans la conviction que nous sommes tous créés à l’image de Dieu[12]. Nos obligations morales les plus fondamentales, qui sont de secourir les pauvres, les orphelins et les veuves – c’est-à-dire ceux qui sont faibles ou éprouvés, sont des préceptes communs aux trois religions se réclamant d’Abraham, nés dans les déserts du Moyen-Orient et fondements de notre civilisation occidentale dans ce qu’elle a de meilleure.

Saint Benoît et le fanatisme religieux

Les moines et les musulmans pratiquants continuent de prendre le service de Dieu au sérieux, même s’ils sont toujours imparfaits et que le résultat obtenu est parfois contradictoire. C’est là que saint Benoît se révèle un maître de sagesse toujours d’actualité, car il décrit les causes des comportements irréligieux chez ceux qui se veulent religieux. Le chapitre premier et le chapitre soixante-douzième de sa Règle sont particulièrement précieux pour comprendre la violence religieuse aujourd’hui. Dans chacun de ces chapitres, Benoît explique pourquoi certains moines quittent le droit chemin.

Au chapitre premier, il parle des anachorètes (ermites), des cénobites (ceux qui vivent sous la discipline d’une vie communautaire), des gyrovagues (des moines errants sans attache communautaire, livrés à leur bon plaisir), et des sarabaïtes. Les plus détestables sont les sarabaïtes : « Faire ce qui leur plaît, voilà leur loi. Toutes les pensées qu’ils ont, toutes les décisions qu’ils prennent, ils les disent saintes. Mais pour les choses qu’ils ne veulent pas faire, ils pensent : ‘Nous n’avons pas le droit de les faire.’ »[13]

Saint Benoît décrit une maladie spirituelle qui n’affecte pas seulement les religieux. C’est la lecture « à la carte » des textes sacrés, qui consiste à choisir les versets qui vous conviennent et à ignorer ceux qui les rééquilibrent, les éclairent ou les nuancent en les replaçant dans un contexte plus large et plus complexe d’interprétation. Bien des personnes ont ce comportement pour justifier une opinion déjà arrêtée, par opposition à la recherche sincère et dérangeante de la vérité au milieu des contradictions et des ambiguïtés.

Puis, dans le chapitre soixante-douzième de la Règle, saint Benoît traite de la question décisive de la disposition du cœur. Il s’agit d’un avertissement plus que d’une règle : « De même qu’il y a un zèle amer, mauvais, qui sépare de Dieu et mène à l’enfer, de même il y a un bon zèle qui sépare des vices et mène à Dieu et à la vie éternelle. »[14] Ce bon zèle, ajoute-t-il, les moines doivent le développer en montrant du respect les uns pour les autres, en supportant avec patience les faiblesses de chacun, et en pratiquant à l’envie l’obéissance à tous.

Le zèle de l’amertume. Qui pourrait douter que la plupart des formes de violence ont leurs racines dans les divers visages de l’amertume : colère, emportement et haine ? La prière la plus fervente du moine-médecin, Frère Luc, était : « Seigneur, s’il te plait, ne me laisse pas mourir la haine au cœur ! »

Derrière le terrorisme sous toutes ses formes, se cache toujours le feu dévorant de l’amertume. Qu’il s’agisse de la violence perpétrée par des musulmans ou des juifs, de fusillades comme celle de Columbine[15], d’attentats comme celui de Timothy McVeigh[16] ou d’assassinats en série comme ceux de John Mohammed[17], il se trouve toujours, à l’origine de ces actes, une colère qui finit par submerger les digues de la maîtrise de soi. Le terrorisme pratiqué au nom de l’islam doit être considéré, selon moi, comme une colère exprimée dans le langage culturel musulman parce que c’est le seul langage que connaissent les musulmans. Leurs valeurs, leur foi, leur bien-être ont été secoués, meurtris, et blessés par toutes sortes de forces, internes et externes. Pour l’immense majorité, leur foi constitue leur référence morale, qui les aide à contenir cette colère ou à en limiter les cibles.

Mohammed Bouslimânî, témoin d’un islam pacifique

Mais à cause de la loi de Gresham, telle qu’elle s’applique au monde de l’information – les mauvaises nouvelles chassent les bonnes – nous ne sommes informés que des dérives violentes de l’islam. On ne nous dit presque rien des imams algériens et des islamistes non-violents qui sont assassinés à cause de leur opposition aux meurtres d’innocents au nom de l’islam. Pourtant, l’islam sunnite ressemble beaucoup au protestantisme par son absence de hiérarchie ecclésiastique, ce qui explique qu’il existe « autant d’islams que de variétés de couscous », pour reprendre la formule imagée d’un ami marocain. Parmi les musulmans pacifiques, il y a l’exemple du Cheikh Mohammed Bouslimânî, un chef religieux très connu et respecté, qui vivait à Blida, non loin de Tibhirine.

Après l’annulation des élections législatives de 1992 et la constitution de divers groupes armés d’opposition par certains éléments du FIS, qui était maintenant interdit d’existence, le Hamas, dirigé par le Cheikh Mahfoud Nahnah dénonça le recours à la violence. Appartenant à la branche pacifique des Frères musulmans, son islam prônait une voie pacifique. Ce parti voulait une société fondée sur les valeurs musulmanes, la démocratie et le pluralisme. Le changement qu’il préconisait nécessitait plus de patience et se fondait sur la da’wâ : enseignement, exhortation morale, exemple et bonnes œuvres. Mohammed Bouslimânî, ami d’enfance du Cheikh Nahnah, était le président de l’association charitable du Hamas, l’Irchâd wa-Islâh. Il était très respecté pour ses compétences en droit musulman et pour ses capacités d’organisateur. Un matin de novembre 1993, il fut victime d’un enlèvement par le GIA, à son domicile. L’émir local du groupe armé voulait qu’il produise une fatwâ justifiant le meurtre des civils qui soutenaient le Tâghût – c’est-à-dire la dictature maléfique qu’ils essayaient de renverser. Le Cheikh Bouslimânî opposa un refus catégorique pendant plus de deux mois : il ne voulait pas justifier les assassinats.

Les rapports de police obtenus à partir d’anciens prisonniers du GIA indiquent que la culture religieuse de Mohammed Bouslimânî surpassait tellement celle de ses ravisseurs que leurs certitudes sur l’islam en furent ébranlées. S’ils ne combattaient pas selon des préceptes authentiques, ils n’iraient pas au paradis – où l’eau est fraîche et où il y a beaucoup de vierges à aimer – mais en enfer, où ils boiraient de l’eau bouillante et du sang putréfié. Les vrais moudjahiddines veulent croire qu’ils font la volonté de Dieu. Qu’un érudit leur démontre qu’ils se sont fourvoyés en obéissant à des chefs incultes qui ne possèdent qu’une connaissance partielle du Coran et de la tradition, et qu’ils font le mal au lieu de faire le bien, peut être décisif pour une personne qui se soucie du sort de son âme. C’est une raison suffisante pour rendre les armes ou rompre avec un émir au profit de quelqu’un qui combat pour la justice sans fouler au pied la morale.

L’histoire du Cheikh Bouslimânî, et ses discussions avec ses ravisseurs, nous rappellent l’importance d’une bonne connaissance religieuse et de la foi en l’immortalité de l’âme dont parlait Orwell : le désir des musulmans qui craignent Dieu d’avoir une conduite morale droite, pour aller au paradis ; oui, même les terroristes ! Il y a beaucoup de preuves en Algérie du souci des terroristes concernant le sort de leur âme. Mes entretiens avec des membres des services secrets britanniques m’ont donné accès aux transcriptions de certaines conversations des forces de sécurité qui essayaient de « désarmer » des moudjahiddines en discutant de l’interprétation correcte de la Loi.

Si l’on ne réalise pas qu’il y a des islamistes qui veulent améliorer leur société par des moyens pacifiques fondés sur des principes musulmans – qui ont des points communs avec l’éthique judéo-chrétienne – les Etats-Unis courent le risque de tomber dans le piège d’une escalade de la violence qu’ils cherchent précisément à endiguer.

N’est-il pas concevable que l’islam possède au sein même de ses communautés suffisamment de vigueur et d’intégrité morale pour corriger et combattre les excès commis en son nom, qui ternissent son image et déconsidèrent cette foi ? L’expérience algérienne laisse espérer que cela puisse être le cas dans d’autres parties du monde musulman, ravagées par la violence.

Formes et causes de la violence

Mais examinons d’abord le zèle de l’amertume, tel qu’il peut être observé durant la guerre civile des années 1990 en Algérie, lorsque ce pays était paralysé par la peur. L’Algérie était pleine d’amertume et de colère. Il y avait une colère qui s’exprimait de manière non-violente ou était transformée en activités non-violentes – dans le cas de Mohammed Bouslimânî, par exemple – et il y avait de la colère qui s’exprimait de façon violente. Mais il y avait aussi différentes catégories de violence : la violence « islamiquement correcte » de l’AIS (l’Armée islamique du salut) qui limitait ses cibles aux combattants (police, forces de sécurité, et représentants de l’Etat) et la violence « islamiquement incorrecte » du GIA qui n’avait pas de limites, se finançait par le trafic de drogue, ne s’occupait pas des veuves des moudjahiddines ou pratiquaient le viol et la torture.

D’où venait cette violence ? Elle avait de nombreuses origines, mais j’en citerai deux parce qu’elles sont fort répandues dans le monde musulman.

Tout d’abord, il y avait la mauvaise gestion. L’Imam Ali Belhadj, qui devint vice-président du FIS, l’explique très bien, lui qui fut l’un des porte-parole les plus éloquents de la jeunesse déshéritée d’Alger dans les années 1980-1990 : « Notre soi-disant élite parle de socialisme et d’égalité […], d’être ‘par le peuple’ et ‘pour le peuple’. Mais ils sont riches et vous êtes pauvres. […] Le djihâd de 1954 doit continuer. Ceux qui sont morts pour l’islam il y trente ans ont été trahis. »[18]

La liste des mécontentements incluait les espoirs déçus de la jeune génération scolarisée de l’après-guerre, l’excessive dépendance économique à l’égard du pétrole, l’inefficacité du modèle de développement soviétique, le népotisme, la justice arbitraire, la brutalité policière, la corruption, l’inégalité des chances et un gouvernement qui avait des relents de colonialisme français aux yeux de l’opposition islamiste.

Par ailleurs, il y avait le réservoir explosif, et souvent sous-estimé, du désir personnel de se venger du mal fait à d’autres. En Algérie, il s’alimentait à diverses sources : amis ou membres de la famille brutalisés par les forces de sécurité, ou jeunes tués par l’armée dans les rues d’Alger en octobre 1988. Il y avait aussi la sympathie, comparable à l’émotion suscitée par les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis, pour tous les musulmans victimes des gouvernements « apostats », des bombes américaines ou des tanks israéliens.

L’Algérie, ou le monde en miniature

Comme les individus, tous les pays sont différents. Mais ils sont tous semblables aussi. Je pense que l’Algérie et, dans certaines limites, l’expérience française en Algérie hier et aujourd’hui, offrent un microcosme des défis que les Etats-Unis ont à relever en ce moment même face au monde musulman, surtout au Moyen-Orient.

Qu’est-ce que l’Algérie a de commun avec les autres pays ? De multiples guerres.

Il y a la guerre civile qui est politique, religieuse, culturelle et économique, et l’Occident y est impliqué – la France, ici, surtout à cause de son passé et de son soutien au gouvernement algérien. Comme l’a dit le Président Bush, « l’ami de mon ennemi est mon ennemi. » La guerre est alors mondiale. Car la majorité des terroristes encore actifs en Algérie appartiennent au GIA ou au Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), deux groupes affiliés au réseau international islamiste. Ce sont les nouveaux moudjahiddines, qui partagent les objectifs énoncés par Oussama Ben Laden en 1996. Ceux-ci sont triples : mettre un terme à la présence française en Algérie, physiquement et culturellement (même chose pour les Etats-Unis au Moyen-Orient) ; renverser les gouvernements musulmans « apostats », corrompus et hypocrites ; remplacer les Etats-nations, devenus des idoles destructrices, par la Oumma sans frontière, qui ressemble à la chrétienté d’autrefois mais avec des droits différents pour chacune des communautés religieuses qui la compose, comme sous l’empire ottoman. La colère à l’endroit des Etats-Unis est similaire : l’ami de mes ennemis est mon ennemi.

Bien que le gouvernement algérien soit toujours empêtré dans une montagne de problèmes économiques et politiques intérieurs, il a réussi à réduire la violence extrême qui ravageait le pays au milieu des années 1990. De ce relatif succès gouvernemental, il y a également des leçons à tirer, même si l’Algérie représente toujours le cauchemar auquel tous les autres pays arabes voudraient échapper. A la réflexion, ce succès peut s’expliquer de différentes manières : les terroristes ont perdu leur soutien initial auprès de la population en souillant l’islam par leurs tactiques de guerre totale et sans pitié ; les forces de sécurité algériennes ont amélioré leurs techniques de combat antiterroristes et ont bénéficié d’aides militaires discrètes, mais sans engagement visible d’une force étrangère, en l’occurrence, la France, même lorsque cette dernière devint elle-même la cible des terroristes en 1995. Or les raisons invoquées par le GIA pour attaquer la France sont les mêmes que celles avancées par Al Qaïda lorsqu’il prit les Etats-Unis pour cible : les amis de mes ennemis sont mes ennemis[19].

Les méfaits de la mentalité coloniale

Qu’y a-t-il, dans l’expérience française, qui puisse être utile à la réflexion ? Certains Américains pourraient probablement répondre qu’il n’y rien, comme ils le dirent après Dien Bien Phu, et avant que les Etats-Unis ne s’engagent lourdement au Vietnam. « La France est un petit pays, affaibli, qui a perdu sa puissance militaire », affirmait-on alors. « Les Etats-Unis sont une grande nation, solide, et la seule superpuissance mondiale. L’expérience française n’a rien à nous apprendre. »

Comme le dit la Bible, l’orgueil précède la chute. Lorsque l’on est au sommet, le danger est d’autant plus grand qu’il n’y a qu’un seul chemin possible : celui du déclin. Nombreuses sont les voix, aujourd’hui, aux Etats-Unis, qui ressemblent à celles des Français au milieu du XIXe siècle. Ils vivaient encore dans le souvenir complaisamment entretenu des gloires napoléoniennes et ils n’avaient pas encore subi le choc de leur humiliation à Sedan, par les armées prussiennes. Les militaires et les colons français croyaient que leur pays représentait tout ce qu’il y avait de meilleur dans le monde : l’expression la plus achevée de la civilisation européenne, l’armée la plus puissante, la libération de l’Europe du féodalisme, le promoteur des Droits universels de l’Homme, à la fois cartésien et chrétien, société technicienne fondée sur une pensée logique, avant-garde progressiste des valeurs chrétiennes puis républicaines. En Algérie, la France ne faisait qu’étendre les bénéfices évidents de sa civilisation. Les indigènes musulmans n’avaient qu’à abandonner leur foi et leurs coutumes dépassées.

Cette sorte de supériorité arrogante et de mépris généralisé pour la population locale ruina beaucoup d’initiatives bien intentionnées et de progrès que la France voulait apporter. Les Arabes pouvaient aisément mesurer sa supériorité dans les domaines militaire, médical et technique. C’est pourquoi la plupart des musulmans respectent et admirent la réussite économique et technologique des Etats-Unis et de l’Occident.

La mentalité coloniale consiste à affirmer qu’une des parties est supérieure à l’autre parce que son savoir est supérieur, son style de vie est supérieur, bref, certaines personnes sont supérieures aux autres. Finalement, c’est ce mépris qui rendit toute forme de coexistence authentique impossible. La soumission de l’Algérie ne s’acheva pas vraiment en 1847 quand l’Emir Abdelkader se rendit à la France après quinze ans de djihâd. Sa capitulation n’était qu’une trêve parmi beaucoup d’autres, qui conduisit au soulèvement ultime de la Toussaint 1954.

Les dirigeants américains et occidentaux, dans les gouvernements et les ONG, devraient donc se demander s’il ne se cache pas une mentalité coloniale plus subtile derrière leurs projets de construction de sociétés civiles et de démocratisation. La certitude arrogante que nous avons les réponses (capitalisme, démocratie) est-elle si différente de l’autosatisfaction du missionnaire chrétien de jadis, qui était persuadé d’apporter le progrès spirituel ? Aux Etats-Unis, ce pays qui passe pour être chrétien, ce serait la révolution si davantage de responsables politiques suivaient leur bon sens et un précepte rationnel qui se trouve être une phrase d’Evangile : « Ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le pour eux pareillement. »[20]. Ceci veut dire qu’il faut savoir se mettre à la place des autres.

Parler le langage de l’islam

Les dirigeants américains doivent apprendre à communiquer avec le monde musulman en utilisant son propre langage. Il est toujours demandé aux diplomates de parler la langue et de connaître l’histoire des pays où ils sont envoyés. Apprendre la langue et la culture d’un peuple étranger exige un effort qui est un signe de respect et la reconnaissance du fait que, sans cette connaissance, on n’établira qu’un contact superficiel avec le pays. Le véritable langage du monde musulman n’est pas l’arabe. C’est l’islam. Si nous voulons parler aux dirigeants musulmans de réformes, de changements ou de valeurs morales, nous devrions leur montrer que nous connaissons leur Livre et discuter, le cas échéant, en des termes qui sont les leurs, comme le fit Christian de Chergé avec Sayah Attia.

Le Coran est la constitution musulmane ; les hadîths (les dits de Mahomet) et la sunna (les actes attribués à Mahomet) sont leur jurisprudence ; les oulémas sont leur Cour suprême[21] ; le majlis est leur forme de démocratie consultative et consensuelle ; et le calife est le chef de l’Exécutif. Enfin, la foi, malgré les complexités d’interprétation et les multiples écoles juridiques, fournit les références morales qui devraient en principe inspirer l’action du gouvernement (autorité laïque), comme les églises chrétiennes ont régulièrement influencé la politique américaine[22] : abolition de l’esclavage ; lutte contre les inégalités sociales ; droits civiques ; lois sur l’alcool, les jeux de hasard, le divorce ou l’avortement.

« L’Algérie étonnera le monde »

Sur son lit de mort, en 1996, le Cardinal Duval affirma qu’un jour « l’Algérie étonnera le monde. »[23]

L’avenir dira si l’Algérie étonnera ou non le monde, mais ce qui ne fait pas de doute, c’est qu’il y a des choses dans ce pays qui m’ont étonné, moi, au cours de mes recherches, et qui montrent que la religion peut être source de réconciliation et d’apaisement dans la crise actuelle des relations entre musulmans et non-musulmans :

1°) Pendant la guerre d’indépendance, à chaque fois que les troupes françaises se trouvaient dans des situations critiques, elles envoyaient leurs aumôniers pour négocier avec les rebelles et se tirer d’affaire.

2°) Deux ans après avoir obtenu l’indépendance, les habitants de Bellecourt, un quartier arabe d’Alger où grandit Albert Camus, élirent leur premier représentant au conseil municipal. Ils choisirent l’Abbé Jean Scotto, un prêtre catholique français, très aimé et respecté par la population.

3°) Des Français que j’ai interrogés, qui s’étaient rendus en l’Algérie avec appréhension dans les années 1960, comme touristes ou pour des raisons professionnelles, étaient tous étonnés de la rapidité avec laquelle les Algériens leur avaient pardonné. « Le passé est le passé », disaient-ils.

4°) Au milieu des années 1970, alors que l’Algérie était en pleine politique d’arabisation sous la pression de l’aile islamiste du FLN, de hauts responsables algériens avaient demandé à des Sœurs libanaises d’enseigner le Coran à leurs femmes. Quelle extraordinaire bonne volonté de part et d’autre !

5°) Un journaliste franco-algérien me raconta qu’à la suite de sa victoire électorale aux municipales de 1990, le FIS confia les finances du village de Tamanrasset à une Petite sœur de Jésus (congrégation fondée à la suite de Charles de Foucauld).

6°) En 1993, Christian de Chergé tînt tête à l’homme qui avait tué douze Croates quelques semaines auparavant, en invoquant la loi commune à l’islam et au christianisme. Cette loi interdit le port des armes dans un lieu de culte. Il gagna le respect de l’émir, se permettant même de le semoncer pour avoir porté une arme dans l’hôtellerie du monastère, et lui imposant de la laisser dehors ou de sortir lui-même. Certains disent que, jusqu’à sa mort, l’émir accorda son amân au monastère, ce qui protégea les moines pendant près de trois ans.

7°) Enfin, l’assassinat des moines et les réactions au testament spirituel de Christian de Chergé, publié dans les journaux locaux, provoqua un raz-de-marée de lettres de la part de gens ordinaires, qui s’adressèrent à l’archevêque d’Alger, Mgr Henri Teissier.

Une femme écrivit ceci :

« Dieu n’éprouve-t-il pas ceux qu’Il aime ? En tous les cas, nous, nous vous aimons. Vous faites partie de nous. Nous avons failli à notre mission : celle de vous protéger, de vous choyer et de vous aimer. Pardonnez-nous ! Votre place est parmi nous. N’écoutez pas les pharisiens ! Vous devez accomplir votre mission envers Dieu avec nous. Je pense que c’est le dessein de Dieu. »[24]

--------------------------------------------------------------------------------

[1] Abd el-Kader, Ecrits spirituels, traduction de Michel Chodkiewicz, Editions du Seuil, 1982, p. 129-130 [NDT].

[2] Pour les musulmans, la formule proclame avant tout la transcendance inaccessible de Dieu. Mais l’auteur y voit un appel à la largeur d’esprit [NDT].

[3] Marie-Christine Ray, Le Cardinal Duval, Paris, Cerf, 1998, p. 62 [NDA].

[4] Mt 5, 46 [NDT].

[5] L’expression est de Christophe Lebreton, dans son journal publié en 1999 sous le titre Le souffle du don, Journal de Frère Christophe, moine de Tibhirine, Bayard Editions / Centurion [NDT].

[6] Formule du président américain Georges W. Bush dans son discours de l’état de l’Union du 29 janvier 2002, qui stigmatisait l’Irak, l’Iran et la Corée du Nord [NDT].

[7] Jn 4, 20-21 : « Si quelqu’un dit : j’aime Dieu, et qu’il haïsse son frère, c’est un menteur ; car celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, comment peut-il aimer Dieu qu’il ne voit pas ? Et nous avons de lui ce commandement : que celui qui aime Dieu aime aussi son frère. » [NDT].

[8] Coran 13,11 [NDT].

[9] Coran 5, 82 [NDT].

[10] Jacques Ellul conteste la portée spirituelle de cette généalogie commune, citant les paroles de Jésus dans l’évangile selon Matthieu : « Produisez donc un fruit qui exprime votre conversion, et n’allez pas dire en vous-mêmes : ‘Nous avons Abraham pour père’. » (Mt 3, 7-12). Cf. Jacques Ellul, Islam et judéo-christianisme, PUF, 2004 [NDT].

[11] Reste à définir ce qu’est la volonté de Dieu et comment la discerner et la mettre en œuvre. Des différences se font alors jour entre christianisme et islam. Cf. Henri Sanson, L’islam au miroir du christianisme, Cerf, 1984, p. 41-49 [NDT].

[12] De fait, les Bibles juive et chrétienne affirment que « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa » (Gn 1, 27). Le Coran, quant à lui, répète inlassablement que « rien n’est semblable à Allâh » puisqu’il est le « Tout Autre ». Le hadîth qui affirme que « Allâh créa Adam à l’image » ne se réfère qu’à l’image que Dieu s’était faite de l’homme dans son projet créateur [NDT].

[13] Règle de saint Benoît, chapitre 1er, versets 6-9 [NDA].

[14] Ibid, chapitre 72, versets 1-2 [NDA].

[15] Allusion à une fusillade dans un établissement scolaire américain du Colorado le 20 avril 1999, qui fit 15 morts [NDT].

[16] Allusion à l’attentat à l’explosif contre un immeuble de l’administration fédérale à Oklahoma City le 19 avril 1995, qui fit 167 morts [NDT].

[17] Allusion à un tueur en série opérant à Washington DC qui fut arrêté en 2002 [NDT].

[18] Cité par M. Al -Ahnaf, Bernard Botiveau et Franck Frégosi dans L’Algérie par ses islamistes, Karthala, 1991, p. 85-91 et Pierre Guillard dans Ce fleuve qui nous sépare, lettre à l’imam Ali Belhadj, Editions Loysel, 1994, p. 25-28 [NDA].

[19] Adam Robinson, Bin Laden, New York, Arcade, 2001, pp. 143 ; 247 [NDA].

[20] Lc 6, 31 [NDT].

[21] Equivalent américain du Conseil constitutionnel français sous la Ve République [NDT].

[22] La différence étant que la Bible n’est pas la constitution des Etats-Unis et que l’un des enjeux actuels des débats sur la charia est de rendre la loi coranique compatible avec la référence universelle des droits de l’homme et du citoyen [NDT].

[23] Témoignage de Denis Gonzalès publié en annexe du livre de Marie-Christine Ray, Le Cardinal Duval, un homme d’espérance en Algérie, Cerf, 1998, p. 212 [NDT].

[24] Archives personnelles de Mgr Henri Teissier [NDA]