H   hh
Les moines de Tibhirine

John Kiser___-

  || ACCUEIL ||
   
 

Caricatures… de Dieu !

par Henry Quinson [1]

(Cet article, publié le 18 mars par Libertepolitique.com, est disponible en format PDF ici.) 

Le jour de la Pentecôte 1996, le monde entier découvrait le testament de Christian de Chergé, prieur du monastère de Tibhirine, en Algérie. Il venait d’être tué, le 21 mai, avec six de ses frères, au terme d’un enlèvement long de 56 jours. Dans ce texte mûrement réfléchi, il notait : « Je sais les caricatures de l’islam qu’encourage un certain islamisme. » Dix ans plus tard, en pleine « affaire des caricatures de Mahomet », nous faisons mémoire de cette communauté monastique qui ne renonça jamais à sa liberté, refusant de prendre parti pour les « frères de la montagne » (les groupes islamiques armés) ou les « frères de la plaine » (les forces de sécurité algérienne). Cette liberté fut toujours vécue, on le voit, dans un esprit de fraternité qui valut jusqu’au bout à ces moines chrétiens l’amitié de tous leurs voisins musulmans.

Certes, l’islam est traversé depuis plusieurs décennies par un courant islamiste dont certains groupes recourent régulièrement à des actions terroristes. Sans l’existence de cette violence qui se veut d’inspiration religieuse, les caricatures danoises n’auraient probablement jamais vu le jour ni été exportées par les islamistes eux-mêmes, quatre mois plus tard, dans les pays dont ils cherchent à renverser les régimes politiques. Par calcul, les dictateurs en place ont répondu en encourageant à leur tour le fameux « choc des civilisations » au lieu de répondre aux aspirations de leurs peuples en matière d’éducation, d’équipements sociaux et de développement économique.

Le terrorisme islamique se réclame d’une image de Dieu que l’immense majorité des habitants de notre planète ne partagent pas. Ce sont les musulmans eux-mêmes qui souffrent le plus de cette imposture : plus de 150 000 morts en Algérie dans la guerre entre militaires et groupes islamistes armés dans les années 1990. Comment résister à ce fléau ? Les moines de Tibhirine avaient choisi de vivre ensemble en frères au lieu de pratiquer le mépris, la dérision, l’invective et finalement le meurtre.

« Ma mort évidemment, s’interrogeait Christian de Chergé, paraîtra donner raison à ceux qui m’ont rapidement traité de naïf, ou d’idéaliste. » En fait, c’est tout le contraire : force est de reconnaître que les moines de Tibhirine n’ont pas été tués par leurs voisins musulmans. La fraternité vécue dans ce village algérien transcendait les appartenances religieuses. Ce sont des groupes extérieurs qui les ont enlevés et tués. Le monde a donc tout à gagner à suivre cet exemple d’une vie partagée, au service les uns des autres. Car cette reconnaissance mutuelle nous libère de toutes les caricatures de l’autre et nous évite de défigurer le visage même de Dieu.

--------------------------------------------------------------------------------

[1] Henry Quinson, membre de la Fraternité Saint Paul, est le traducteur du livre de John Kiser, Passion pour l’Algérie, les moines de Tibhirine, Nouvelle Cité, 16 mars 2006.