par Henry C. Quinson, de la Fraternité Saint Paul
Colloque Tibhirine de l'ISTR de Marseille, samedi 5 mars
2005
(Version longue disponible en format PDF ici.)
La mort de Christian de Chergé : preuve de sa
naïveté ou signe d'espérance ?
En 1993, les islamistes du GIA avait lancé un ultimatum aux
étrangers résidant en Algérie, leur donnant un
mois pour quitter le pays. Selon les autorités
algériennes, Christian de Chergé est mort le 21 mai
1996, assassiné par ces terroristes se réclamant de
l'islam. S'agit-il d'un échec pour celui qui avait choisi de
vivre en amitié avec ses voisins de Tibhirine en
Algérie ? Le prieur de Notre-Dame de l'Atlas avait, dans son
testament, prévu la controverse : " Ma mort,
évidemment, paraîtra donner raison à ceux qui
m'ont rapidement traité de naïf, ou d'idéaliste :
'qu'il dise maintenant ce qu'il en pense !'. " On le voit,
Frère Christian avait pleinement conscience, d'une part, du
danger de la situation, et, d'autre part, de l'interprétation
négative que feraient certaines personnes de son
éventuel assassinat. Pourtant, il a
délibérément accepté le risque de sa mise
à mort. Pourquoi ? Et dans la réponse à cette
question, y a-t-il un message d'espérance ?
Un événement fondateur
Pour comprendre le parti pris de Christian de Chergé, John
Kiser l'éclaire d'abord par un événement majeur.
Son récit commence, en effet, par le sacrifice de Mohammed, ce
père de famille algérien qui n'hésita pas
à donner sa vie pour protéger son jeune ami alors
officier de la SAS. Voilà sans doute le fondement du parcours
spirituel et théologique du prieur de Tibhirine : un croyant
de l'islam peut aimer un ami chrétien jusqu'à mourir
pour lui. C'est un fait. Ce fait est en lui-même un signe
d'espérance, car il montre que l'amour triomphe des tentations
paralysantes de la peur, des replis intégristes agressifs et
exclusifs, et du retour au passé (djihad des uns et croisades
des autres). Le martyre des sept moines de Notre-Dame de l'Atlas
s'inscrit comme une réponse d'amour à l'offrande
première du Christ et de Mohammed.
Fondement théologique et débat théologique
A partir de ces faits d'espérance, il peut être
éclairant et fructueux de chercher à comprendre la
théologie sous-jacente aux actes posés par Christian de
Chergé et ses frères. A vrai dire, à lire
certains passages du livre de John Kiser, ces fondements
théologiques ne se laissent pas facilement découvrir.
L'auteur semble même indiquer une opposition entre le cœur (les
sentiments) et la raison (l'intellect), qui condamnerait tout
débat théologique :
Christian avait compris ce que d'autres dans l'Eglise en
Algérie avaient découvert aussi : le savoir se perd
souvent en vanité tandis que l'amour, lui, édifie
toujours. " Le dialogue qui s'est ainsi institué a son mode
propre, essentiellement caractérisé par le fait que
nous n'en prenons jamais l'initiative. Je le qualifierais volontiers
d'existentiel. Il est le fruit d'un long 'vivre ensemble', et de
soucis partagés, parfois très concrets " , observa
Christian dans sa communication aux Journées romaines
semestrielles, à l'automne 1989. […] Le dialogue est "
rarement d'ordre strictement théologique ", expliquait encore
Christian dans sa communication romaine. " Nous fuyons plutôt
les joutes de ce genre. Je les crois bornées. " Les gestes de
la vie quotidienne partagée s'avéraient plus
féconds : " Un verre d'eau offert ou reçu, un morceau
de pain partagé, un coup de main donné, parlent plus
juste qu'un manuel de théologie sur ce qu'il est possible
d'être ensemble . "
D'après le livre de John Kiser, il semblerait que le
partage de vie, le témoignage par les gestes posés de
fraternité et d'amitié étaient plus importants
que le dialogue théologique proprement dit. Les moines de
Tibhirine se sont-ils contentés de vivre avec leurs voisins
immédiats, les pauvres villageois de Tibhirine ? En fait, non.
L'existence du Ribat es-Salam (Lien de la paix), ce groupe de
réflexion et de prière islamo-chrétien qui se
retrouvait au monastère, et auquel participaient plusieurs
frères, montre qu'il y avait aussi un souci de partager les
expériences spirituelles des uns et des autres. Certains ont
dit que seuls des mystiques soufis participaient aux ribats. Mais, en
fait, comme le souligne John Kiser, Christian de Chergé avait
fini par inviter des musulmans du voisinage qui n'appartenaient pas
à des confréries soufies. On notera quand même
que ces échanges évitaient ce que John Kiser appelle
les " débats théologiques " :
Peu après le retour de Christian au monastère,
des membres d'une confrérie soufie de Médéa
vinrent lui rendre visite. Ils avaient été conduits au
monastère le jour de Noël par Jean-Pierre, qui avait fait
la connaissance de l'un d'entre eux quelques semaines auparavant. Ils
souhaitaient participer au nouveau groupe dont ce dernier leur avait
parlé : le Lien de la paix. […]
" Nous nous sentons tous appelés par Dieu à
faire quelque chose ensemble avec vous ", dit l'un des soufis
à Christian lors de leur première rencontre. " Mais
nous ne voulons pas nous engager avec vous dans une discussion
dogmatique. Dans le dogme ou la théologie, il y a beaucoup de
barrières qui sont le fait des hommes. Or nous nous sentons
appelés à l'unité. Nous souhaitons laisser Dieu
créer entre nous quelque chose de nouveau. Cela ne peut se
faire que dans la prière. C'est pourquoi nous avons voulu
cette rencontre de prière avec vous. " Christian abonda en ce
sens, et le Lien de la paix fut rebaptisé Ribat-es-Salam.
Christian de Chergé avait fait des études
poussées d'islamologie et d'arabe au PISAI, à Rome.
Avait-il consenti tous ces efforts pour se résoudre finalement
à une absence de débat théologique avec les
musulmans d'Algérie ? Compte tenu de son choix monastique -
où la parole est mesurée et se réduit
normalement à répondre aux questions éventuelles
des hôtes que la communauté accueille - et vu le
contexte religieux de la présence chrétienne en
Algérie - l'islam interdit les conversions - il n'est pas
étonnant que le débat théologique apparaissent
plutôt comme une possibilité discrète,
vécue comme le fruit d'un partage de vie et de la
prière, et non comme un but apostolique affiché et
prosélyte. Mais la méfiance proclamée envers le
débat théologique islamo-chrétien ne veut
absolument pas dire que Christian de Chergé ne fondait pas la
vie monastique de Tibhirine sur une réflexion
théologique. Le séminariste des Carmes, le novice
d'Aiguebelle et l'étudiant du PISAI possédait un
capital de réflexion théologique considérable.
Il est impensable qu'il ait considéré que " l'intellect
", selon l'expression de John Kiser, n'avait pas un rôle
fondamental à jouer dans les choix concrets et quotidiens de
Notre-Dame de l'Atlas. En réalité, c'est tout le
contraire : c'est la visée théologique du prieur de
Tibhirine qui est première dans l'élaboration de la
forme de vie monastique en terre d'islam.
Une théologie de l'espérance pascale
A ce stade, je pense qu'il faut aussi chercher à comprendre
la théologie de Christian de Chergé comme une
pensée contextuelle. La lutte de libération des
Algériens et le recouvrement de leur indépendance ne
constituent pas seulement la fin de 130 années de colonisation
française, ils représentent, en réalité,
pour l'Algérie musulmane, la fin d'une longue période -
sept à huit siècles selon les auteurs - d'une
stagnation civilisationnelle qui a fini par provoquer une
régression générale, en tout cas en termes
relatifs, dans tous les domaines : économiques et sociaux,
politiques et culturels. Cette situation n'est pas spécifique
à l'Algérie. Elle concerne également, avec
quelques nuances, tous les pays du monde arabo-musulman dont les
peuples ont perdu l'initiative historique sous la tutelle du califat
ottoman et de l'hégémonie occidentale. Mais quand vient
l'analyse des causes de cette situation, John Kiser se défie
des schémas trop réducteurs :
L'ambassadeur des Etats-Unis à Alger, Cameron Hume,
présenta cette dichotomie entre une perspective
méditerranéenne essentiellement pluraliste et une
vision du monde arabo-musulmane largement monoculturelle lorsque je
lui rendis visite dans sa magnifique demeure au cœur de la
propriété diplomatique américaine sur les
hauteurs d'El-Biar. Sa description des forces en présence
offrait une séduisante approche pour comprendre le jeu
politique algérien. Entre les lignes, on pouvait deviner que
le modèle méditerranéen était pluraliste
et ouvert tandis que le système arabo-musulman était
fermé, monolithique et moins tolérant.
Cependant, comme tous les efforts visant à
réduire la réalité à des schémas
ou des catégories, l'analyse ne résistait pas à
mes rencontres de personnes en chair et en os.
Je pense que Christian de Chergé a développé
sa théologie de l'espérance dans une perspective
comparable, sur ce point, à celle de John Kiser. L'un et
l'autre refusent toujours les généralisations
hâtives et s'intéressent plutôt aux " exceptions "
prometteuses, souvent contagieuses à long terme. " L'arbre qui
tombe fait plus de bruit que la forêt qui pousse " dit un
proverbe asiatique. Christian de Chergé était toujours
à la recherche des petites pousses d'espérance. Un
monde nouveau était sur le point de voir le jour. Il ne
fallait pas concentrer toute son attention sur les douleurs de
l'enfantement, mais regarder le terme, pressentir la venue,
hâter l'avènement du Royaume qui vient. La
théologie de l'espérance de Christian de Chergé
est d'abord une théologie de la naissance : " Et, de naissance
en naissance, nous arriverons bien, nous-même, à mettre
au monde l'enfant de Dieu que nous sommes […]. " (citation de
Christian de Chergé par John Kiser, p. 188)
Pour lui et John Kiser, les sociétés
arabo-musulmanes sont actuellement moins en déclin qu'en phase
de mutation. En Algérie, la succession rapide
d'événements plus ou moins marquants lors de ces
dernières décennies - lutte sanglante de
libération, recouvrement d'une certaine souveraineté,
passage en force du modèle socialiste, effondrement de ce
même modèle, avènement du modèle
libéral, retour en force du modèle islamique, rejet du
fondamentalisme - sont autant de ruptures et de remises en question,
qui s'avéreront probablement, à moyen terme,
préférables à l'immobilisme et à la
stagnation.
Dans cette optique, la présence monastique
chrétienne en terre d'islam consisterait à vivre le
mystère pascal : apparemment, c'est la nuit totale et le
silence du samedi saint ; en réalité, c'est la mort
nécessaire pour vivre la Résurrection promise à
toute la création, actuellement dans les douleurs d'un
enfantement qui dure encore (St Paul). La théologie de
Christian de Chergé est donc d'abord une théologie de
la communion dans la mort du Christ : théologie de
l'échec humain personnel transformé en victoire
collective. Cette Pâques consiste pratiquement à
partager la condition mortelle d'un peuple, d'une civilisation, et
même d'une religion, en disparaissant avec eux pour
renaître avec eux, évangélisés par le don
d'un martyre partagé avec tous ceux qui ont été
frappés injustement par la violence. Christian résume
cette perspective en un raccourci saisissant : " L'Incarnation se
termine par un meurtre. " Pour lui, donc, être assassiné
n'est certes pas un bien, mais ce n'est pas, pour autant, un
échec, au contraire ! Mystère de l'Incarnation pascale
: Verbe fait chair dans la contingence dont la mort libère
l'Esprit pour créer une humanité nouvelle.
L'Eglise d'Algérie : survivance ou prototype ?
Théologie et ecclésiologie ont alors partie
liée. Après l'exode des pieds-noirs en 1962 et les
assassinats des années 1990, l'Eglise d'Algérie est
réduite à une toute petite communauté. S'agit-il
d'une survivance ecclésiale ou bien ce " petit reste ",
conformément aux paradoxes de l'Evangile,
représente-t-il, avec le sang de ses martyrs et la
pauvreté de ses survivants, un prototype de ce que sera
l'Eglise de demain ? Le livre de John Kiser donne un certain nombre
d'éléments laissant à penser que la
communauté chrétienne d'Algérie
représente l'avenir :
Si les moines du Moyen Age avaient raison de penser qu'une
communauté doit rester, par définition, relativement
petite, comment un groupe peut-il maintenir un sentiment
d'identité sans tomber dans le travers de la
consanguinité et se fermer sur lui-même, devenant ainsi
" nombriliste ", comme le disait Mgr Scotto de l'Eglise quand elle
était privée des défis d'une coexistence avec
d'autres traditions religieuses ? Par ailleurs, comment une
communauté devient-elle ouverte au changement et aux mutations
sans brouiller son identité et perdre de vue ce qui, en elle,
vaut la peine d'être préservé ? L'abbé
général des frères de Tibhirine, Bernardo
Olivera, leur avait demandé d'approfondir leur propre
identité de chrétiens afin de poursuivre le chemin du
partage spirituel et de l'ouverture. Les moines avait trouvé
que leur identité de chrétiens, loin d'avoir
été menacée, avait au contraire
été renforcée […].
L'Eglise n'obéit-elle pas à une loi exactement
inverse à celle qui régit toutes les autres
organisations humaines ? Il semblerait que plus elle est minoritaire
et menacée, plus elle est elle-même :
Pour ceux qui considèrent le christianisme avec un
certain cynisme, n'est-il pas déconcertant que
l'Algérie abrite une minuscule communauté
chrétienne témoignant du message d'amour universel en
se mettant au service des musulmans et en vivant avec eux une
véritable amitié, jusqu'à la mort ?
Il convient donc de conclure que l'espérance
chrétienne pour Christian de Chergé et l'Eglise
d'Algérie est aussi conçue comme un
développement en situation d'altérité : levain
dans la pâte. Le mystère pascal ne peut se vivre que
dans un rapport à la fois de " différence " et de "
communion " (Testament de Christian de Chergé). Le
défi, la menace et la mort viennent d'une relation
assumée à l'autre différent, et cette relation
de martyre communique en retour la vie à toute la
communauté acteur et témoin de
l'événement pascal : mystère de communion. Sur
le plan ecclésiologique, l'espérance de Christian de
Chergé n'était-elle pas l'art de concevoir l'Eglise et
tous les hommes de bonne volonté non comme des exceptions
négligeables mais comme des prototypes annonciateurs de
l'avenir de toute l'humanité ?
[Jeune officier de la SAS durant la guerre d'Algérie]
Accablé par le désarroi spirituel qu'il ressentait
autour de lui, Chergé trouva son réconfort dans les "
merveilleuses exceptions " .
Dimension politique de l'espérance théologique
Au terme de ces quelques réflexions, il est impossible de
ne pas revenir sur l'accusation majeure faite à Christian de
Chergé de son vivant et après sa mort. Ne fut-il pas un
doux rêveur dont l'éternel optimisme fut cruellement
démenti par la réalité d'un islam
intolérant et belliqueux ? Comment défendre
l'idée qu'il s'avéra au contraire innovateur et
prophète, porteur d'une espérance réaliste et
fructueuse qui a du sens et de l'avenir ?
Christian et les frères de Tibhirine ont
délibérément choisi de vivre leur vocation
chrétienne dans un pays marqué par de profondes
mutations, nées de la décolonisation et de la
modernisation qui ont caractérisé le vingtième
siècle. Dans ce contexte global, l'islam algérien n'a
pas échappé à une crise majeure de
légitimité. Trois sources sont encore en concurrence
à ce jour : la légitimité révolutionnaire
des nationalistes, la légitimité coranique des
islamistes, la légitimité démocratique et
pluraliste des modernistes de tradition libérale. Or, lorsque
plusieurs systèmes de croyances relatives à la
légitimité coexistent dans un même pays, il s'en
suit des crises très graves, allant souvent jusqu'à la
guerre civile. Le cas de la France d'après 1789 est patent :
pour trancher entre la souveraineté de droit divin et la
souveraineté du peuple, il fallut quatre-vingt années
au cours desquelles on a dénombré quinze régimes
politiques différents, quatre autres révolutions, deux
coups d'Etat et trois interventions étrangères.
N'oublions pas que l'Eglise était au cœur de la tourmente
politique.
L'Algérie se trouve depuis plusieurs années tout
à fait dans cette situation. La grâce de Tibhirine,
à cet égard, est d'avoir apporté une
contribution très pure et très éloquente au
débat qui se poursuit entre Algériens pour choisir
leurs options politiques, économiques, sociales et
religieuses. L'erreur serait de mésestimer la portée de
cette contribution et de se persuader que les Algériens
auraient pu faire l'économie d'un tel témoignage pour
avancer dans la réévaluation totale de leur
système de valeurs lié à la civilisation
musulmane traditionnelle. Une telle réévaluation est en
effet, à mes yeux, inévitable pour que l'Algérie
trouve sa juste place dans la modernité planétaire.
Ainsi pour une sortie définitive de la crise
algérienne, il était essentiel que certains
protagonistes soient porteurs d'une vision globale éminemment
spirituelle et qu'ils soient convaincus que l'avenir du pays
dépend, au delà de la réconciliation des
personnes, bien plus de la réconciliation des idées,
des doctrines, des légitimités, dans un effort de
dépassement des séquelles charriées par une
histoire tourmentée. Alors seront enfin abordées les
questions de fond, qui sont anthropologiques et théologiques :
la ségrégation des sexes (droits des femmes) et des
religions (inégalités de traitement,
impossibilité pour les musulmans de choisir une autre voie
religieuse ou de vivre ouvertement en agnostiques), le statut du
Coran au regard de l'analyse historico-critique (passage "
réussi " et enrichissant pour l'exégèse biblique
catholique, mais menace pour le statut du " Livre ", parole
incréée de Dieu dans la tradition musulmane...).
Conclusion
A mes yeux, Christian de Chergé a ouvert une voie, non
seulement, à un renouveau monastique et à une vie
ecclésiale à la fois évangélique et
moderne - au sens du Concile Vatican II - mais il a aussi
contribué à l'ouverture du monde musulman à la
lumière du Christ qui éclaire tout homme et, de
l'intérieur, suscite les choix culturels qui favorisent la
croissance humaine de tous les peuples en quête de justice et
de vérité. En ce sens, l'espérance pascale des
martyrs de Tibhirine comporte aussi une dimension éminemment
politique, que John Kiser a très bien saisi dans son chapitre
consacré à la réunion des abbés et
abbesses cisterciens à Poyo :
Finalement, pour ceux qui étaient présents
à Poyo, ce qui avait été de " trop "
était sans doute, aussi, le " petit djihad " qui avait eu lieu
contre la motion de synthèse finale. Christian avait en effet
été de ceux qui, supérieurs des
monastères de création récente dans les " jeunes
Eglises ", considéraient que les conclusions de la
conférence négligeaient les réalités des
pays en développement et mettait trop l'accent sur les
préoccupations des grandes abbayes européennes.
L'insistance sur le vieillissement des communautés paraissait
risible à côté des guerres, du terrorisme et de
la famine qui sévissaient dans les régions où
ils vivaient.
Ces supérieurs minoritaires rédigèrent
une motion assez critique, de deux pages, mettant d'autres enjeux au
premier plan. […]
Les voix dissidentes des jeunes Eglises insistaient sur la
nécessité d'une dimension contemplative de l'Ordre
conçue comme réalité transculturelle. Ils
pensaient que cette réalité revêtait un
caractère prophétique, obligeant chacun à se
dépasser.
Selon eux, à la suite de cette session du chapitre
général, l'Ordre devait se donner comme priorité
de développer une " nouvelle anthropologie " pour le
XXIème siècle, une anthropologie qui chercherait
à accueillir la diversité humaine dans ses expressions
culturelles mais aussi religieuses.
|