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Les moines de Tibhirine

John Kiser___-

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Enquête sur la mort des moines :

John Kiser avait révélé l'affaire de l'hélicoptère dès mars 2006

Interview d'Henry Quinson à RTL le 9 juillet 2009

 

Mercredi 5 avril 2006 à Brive : Henry Quinson évoque l'affaire de l'hélicoptère pour www.correzetelevision.fr

Réaction aux articles du Figaro (6 juillet 2009) et de la Stampa (6 juillet 2008)

Les articles du Figaro et de la Stampa des 6 juillet 2008 et 2009 confirment ce que révélait l'enquête de John Kiser, Passion pour l'Algérie, les moines de Tibhirine, p. 358 (version française, Nouvelle Cité, traduite et complétée par Henry Quinson, Prix des libraires Siloë) dès mars 2006 :

"D'après une source interrogée à Alger, l'attaché militaire de l'ambassade de France aurait admis que les services de renseignement avaient intercepté une conversation dans laquelle un pilote d'hélicoptère algérien disait : 'Zut ! Nous avons tué les moines !' Pour éviter que la bavure ne soit rendue publique, les corps furent enterrés, mais quelqu'un eut une autre idée. Pour faire croire que les terroristes étaient responsables de leur mort, ils décapitèrent les moines et exposèrent leurs têtes, peut-être en différents endroits pour obtenir un effet de choc maximum. Les articles de presse horrifiants expliquant que seules les têtes avaient été retrouvées ne pouvaient qu'affaiblir un peu plus le soutien du GIA dans l'opinion publique. Plus ses crimes étaient atroces, mieux c'était. La bavure des militaires avait été transformée en argument de propagande gouvernementale."

L'attaché militaire de l'ambassade de France à Alger n'était autre que le Général Buchwalter, qui aujourd'hui affirme publiquement ce qu'il confiait jadis seulement en privé. Au printemps 2006, cette information était sans doute passée inaperçue parce qu'une partie de la presse française (La Croix[1], Le Monde[2]) s'était laissée influencer par le commentaire mal informé d'Armand Veilleux publié sur Internet le 23 mars 2006. L'abbé de Scourmont y affirmait que "l’édition française de 2006 ne tient compte que marginalement de la masse considérable d’informations rendues publiques depuis [la publication de la version originale de l'enquête de John Kiser aux Etats-Unis en 2002]" (http://www.algeria-watch.de/fr/article/just/moines/veilleux_dix_ans.htm).

Dans un article du 13 juillet 2008 publié par Algeria Watch, le Père Veilleux justifie son silence de 2006 en affirmant que John Kiser avait rapporté "l'interception faite par l'ambassade française d'un message radio de l'armée algérienne" dans la version américaine de son livre en 2003. Le lecteur anglophone cherchera en vain cette information dans The Monks of Tibhirine. En réalité, c'est dans la version française citée plus haut que John Kiser la livre pour la première fois. Or ce n'est pas un "petit détail mineur", à en juger par le choix éditorial de la Stampa et du Figaro les 6 juillet 2008 et 2009, qui ont publié leurs articles en première page.

Le silence de la presse française en 2006 arrangeait objectivement ceux qui ne veulent pas que l'enquête avance. Au contraire, le dossier de presse (information sur l'hélicoptère p. 4), largement diffusé par l'éditeur Nouvelle Cité, éclairait d'un jour nouveau les circonstances de la mort des moines. Cette information publiée il y a plus de trois ans renforce la thèse de la "bavure" militaire. L'article de Valerio Pellizzari en 2008 constituait une "piqûre de rappel" salutaire. Celui du Figaro du 6 juillet 2009 prouve la détermination de l'ancien attaché militaire de l'amabassade de France à Alger, le Général François Buchwalter, à soutenir désormais publiquement ce qui lui était interdit de divulguer en 1996 et qu'il a confié à très peu de contacts depuis lors.

La Stampa a bien précisé le rôle du médecin légiste de l'ambassade de France : il a examiné les dépouilles des moines une semaine avant l'annonce de leur mort. Les autorités françaises ont donc collaboré à la rétention d'informations. Le Général Buchwalter confirme cette loi du silence : il lui avait été demandé de taire ce qu'il avait vérifié auprès d'un ancien camarade algérien de l'école militaire de Saint-Cyr dont le frère était chef d'une escadrille d'hélicoptères à Blida, à mi-chemin entre Tibhirine et Alger, et qui avait participé à la "bavure".

Pour contrer le témoignage du général français, certains journaux algériens s’appuient sur les déclarations d’Omar Chikhi et d’Abdelhak Layada, anciens membres du GIA, qui bénéficient aujourd’hui de la protection des autorités algériennes au nom de la politique de "réconciliation nationale". Ces derniers s’en tiennent à la version officielle : enlèvement et exécution par le GIA, sans aucune manipulation du DRS ni bavure de l’Armée. Mais peut-on mettre sur un pied d'égalité la déposition d'un général à la retraite devant un juge, qui l'engage pénalement et qui dérange les autorités françaises, et les déclarations de terroristes "repentis" devant des journalistes, qui disculpent les généraux algériens à qui ils doivent leur survie ?

Seule une enquête peut dissiper définitivement les suspicions. Le Président Sarkozy, en levant le secret défense sur cette affaire, laisse espérer plus de transparence du côté français. Qui pourrait avoir peur de la vérité sinon ceux qui ont quelque chose à se reprocher ?

En novembre 2009, les documents désormais déclassifiés confirment l’existence "d’importantes opérations militaires" dans la région de Médéa au moment de la mort des moines, en dépit des assurances contraires données à la France par les autorités algériennes.

Ces documents montrent également que la France avait, dès le 8 avril 1996, connaissance de l’éventualité d’une manipulation de Djamel Zitouni, chef des GIA, par le DRS. Une note du 26 avril montre qu’elle savait aussi que le général Smaïn (Lamari), patron du DRS, estimait que Zitouni était jusque-là "un élément plutôt commode" mais était devenu "moins contrôlable".

La Vérité est en marche.

 

Henry Quinson
traducteur de l'enquête de John Kiser, Passion pour l'Algérie, les moines de Tibhirine, Prix des Libraires Siloë, Nouvelle Cité, mars 2006.

[1] "Henry Quinson, qui a traduit et corrigé le livre, a réactualisé ses informations, sans pouvoir tenir compte de toutes celles désormais rendues publiques, ni des questions qui demeurent en suspens. Il est donc dommage que ce soit cet aspect-là du livre que l'éditeur ait choisi de mettre en avant." (Martine de Sauto, La Croix, 6 avril 2006)

[2] "Ceux qui attendraient des révélations resteront sur leur faim. [...] La publication du livre [de John Kiser] date de 2002, année de sa sortie aux Etats-Unis - puis en Allemagne. Depuis, des éléments nouveaux ont fait leur apparition, dont l'édition française, insuffisamment actualisée, ne se fait que l'écho lointain et parcellaire. Il faut le regretter, car différents témoignages ont été recueillis ces dernières années qui jettent pour le moins un doute sérieux sur la thèse officielle : les moines ont été assassinés sur ordre du chef des GIA, Jamel Zitouni. La vérité est probablement moins simpliste." (Jean-Pierre Tuquoi, Le Monde, 18 avril 2006)

 

Annexe 1 : Extraits de la déposition du général François Buchwalter


Dans sa déposition devant le juge d’instruction Marc Trévidic, au tribunal de grande instance de Paris, le 25 juin dernier, le général François Buchwalter affirme que les sept moines français enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996 par le Groupe islamique armée (GIA) ont été tués par erreur, lors d’un raid aérien de l’armée algérienne contre un bivouac du GIA en avril ou mai de cette même année. François Buchwalter, né en 1943 à Toulouse, était, à l’époque, attaché militaire à l’ambassade de France à Alger. Il affirme avoir obtenu ses informations d’un ancien camarade algérien de Saint-Cyr, dont le frère était le chef d’une escadrille d’hélicoptères basée à Blida et avait participé à cette bavure.


Extraits de la déposition du général François Buchwalter :
« (…) QUESTION : Quand et comment avez-vous appris la mort des moines ?
REPONSE : Par le communiqué du GIA, je crois le 21 mai. En fait, il y a eu deux versions de ce communiqué 44. J’ai eu la première version je crois par un journaliste. J’ai donné cet exemplaire à un islamologue (…). Il m’a dit que mes islamistes n’étaient pas doués, car il y avait une erreur dans le verset cité du Coran. Puis, une deuxième version de ce communiqué, corrigé, sans l’erreur de référence du verset du Coran, est arrivé par le canal habituel. (…)
QUESTION : Quand et comment avez-vous appris la découverte des corps ou des têtes selon ce qui vous a été présenté au début ?
REPONSE : J’ai appris la découverte des dépouilles. C’était neuf jours après le communiqué du GIA. Le 30 mai ou une date proche du 30 mai, entre 9 heures et 10 heures du matin, Algérie Presse Service a annoncé officiellement : " Les  dépouilles des moines ont été découvertes dans un champ près de Medea". Cette annonce est arrivée quelques heures après le décès de Monseigneur DUVAL. Je l’avais rencontré une quinzaine de jours avant sa mort. Il était malade. Il était très préoccupé par l’affaire des moines mais il n’avait pas d’élément particulier. Monseigneur DUVAL avait la nationalité algérienne. Dans un communiqué en 1957, il avait condamné l’usage de la torture par l’armée française. Beaucoup de pieds noirs avaient très mal pris cette prise de position, mais il était très apprécié par les Algériens.
QUESTION : Voulez-vous dire qu’en annonçant la mort des moines quelques heures après la mort de Monseigneur DUVAL, on arrivait en quelque sorte à enterrer cette dernière information par une nouvelle encore plus importante pour les Algériens ?
REPONSE : Oui.
QUESTION : Quand et comment avez-vous appris qu’il n’y avait que les têtes dans les cercueils ?
REPONSE : Je pense que l’on en arrive à la raison de ma demande d’audition. C’est difficile pour moi car c’est une chose dont on m’a demandé de ne pas parler. J’en avais parlé au père VEILLEUX, à Monseigneur TEISSIER et à l’ambassadeur. Pour que vous compreniez, j’ai eu des liens d’amitié avec divers officiers algériens qui avaient fait leur formation à Saint-Cyr et c’est ainsi que j’ai connu une personne dont je préfère ne pas vous dire le nom car il est possible que son frère soit encore en Algérie. (…) C’était un ami. Quelques jours après les obsèques des moines, il m’a fait part d’une confidence de son frère. Son frère commandait l’une des deux escadrilles d’hélicoptères affectées à la 1ère région militaire dont le siège était à Blida. Son frère pilotait l’un des deux hélicoptères lors d’une mission dans l’Atlas blidéen, entre Blida et Medea. C’était donc une zone vidée et les hélicoptères ont vu un bivouac. Comme cette zone était vidée, ça ne pouvait être qu’un groupe armé. Ils ont donc tiré sur le bivouac. Ils se sont ensuite posés, ce qui était assez courageux car il y aurait pu y avoir des survivants. Ils ont pris des risques. Une fois posés, ils ont découvert qu’ils avaient tiré notamment sur les moines. Les corps des moines étaient criblés de balles. (…)
QUESTION : Combien de personnes y avait-il dans les deux hélicoptères ?
REPONSE : Ce sont des gros hélicoptères et je pense qu’il pouvait y avoir une dizaine d’hommes armés.
QUESTION : Avez-vous d’autres détails de la part de votre ami sur ce que lui a dit son frère ?
REPONSE : Je ne vois pas d’autre détail. En revanche, pour répondre à votre question sur la façon dont j’ai appris que nous n’avions que les têtes des moines, je précise que j’ai rencontré après les obsèques, le médecin du renfort de gendarmerie attaché à l’ambassade de France (…). Il avait beaucoup de mal à me parler car l’ambassadeur lui avait fait promettre le silence. Je lui ai demandé s’il avait vu les corps puisque mon ami m’avait dit qu’ils étaient criblés de balles, et c’est là qu’il m’a dit qu’il n’y avait que les têtes.
QUESTION : Que vous a-t-il dit sur les têtes ?
REPONSE : Il m’a dit que les têtes avaient séjourné longtemps dans la terre, que c’était épouvantable. Il ne m’a pas parlé d’impacts des balles dans les têtes.
QUESTION : Que pensez-vous des déclarations de TIGHA impliquant les services algériens dans l’enlèvement des moines ?
REPONSE : Il n’y a pas que les déclarations de TIGHA [ancien officier du renseignement algérien]. J’ai trouvé sur internet les déclarations de Habib SOUAÏDA [lieutenant algérien réfugié en France, auteur du livre La sale guerre] qui doit être un ancien de la DRS [sécurité militaire algérienne], qui allaient dans le même sens. Et puis il y a les déclarations de SAMRAOUI [ancien colonel de la sécurité militaire algérienne] sur l’infiltration du GIA par les services de sécurité.
QUESTION : En qualité d’attaché de défense, avez-vous rendu compte par écrit de ce que vous aviez appris sur la mort des moines par votre ami (***) ?
REPONSE : Oui.
QUESTION : Ce rapport a-t-il été transmis aux mêmes autorités que d’habitude ?

REPONSE : Oui. Il n’y a pas eu de suites, ils ont observé le black-out demandé par l’ambassadeur. (...) »

 

Annexe 2 : Les moines de Tibhirine morts dans une "bavure" de l'armée algérienne, selon un témoin


    PARIS, 6 juillet 2009 (AFP) - Le massacre des sept moines de Tibhirine en 1996, longtemps imputé à un groupe islamiste, est le fait d'une "bavure" de l'armée algérienne, selon le témoignage de l'ancien attaché militaire français à Alger devant le juge antiterroriste chargé de l'enquête.
   Révélé par Le Figaro, Mediapart et L'Express, ce témoignage constitue la preuve qu'il y a eu "dissimulation de la part des autorités algériennes et certainement de la part des autorités françaises" sur les circonstances de la mort de ces sept religieux français au printemps 1996, pour l'avocat des parties civiles, Me Patrick Baudouin.
   Selon ce témoin, François Buchwalter, général en retraite, les moines ont été tués dans un raid d'hélicoptères militaires alors qu'ils se trouvaient dans ce qui semblait être un bivouac de djihadistes.
   "Les hélicoptères de l'armée algérienne ont survolé le bivouac d'un groupe armé et ont tiré, s'apercevant ensuite qu'ils avaient non seulement touché des membres du groupe armé mais des moines", selon une source proche du dossier, rapportant les propos du général.
   Le témoin a affirmé au magistrat tenir ses informations d'un ancien camarade algérien de l'école militaire de Saint-Cyr dont le frère était chef d'une escadrille d'hélicoptères à Blida, à mi-chemin entre Tibhirine et Alger, et avait participé à cette "bavure".
   "Les corps des moines étaient criblés de balles", a rapporté le général Buchwalter au juge Trévidic, selon cette source.
   Les sept religieux français avaient été enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996 dans leur monastère isolé Notre Dame de l'Atlas, au sud d'Alger, ceinturé de maquis contrôlés par les groupes armés islamistes et où les tueries étaient alors fréquentes. Le Groupe islamique armé (GIA), alors dirigé par Djamel Zitouni, avait revendiqué cet enlèvement.
   Le 30 mai, l'armée algérienne affirmait avoir découvert les dépouilles des moines. Seules les têtes avaient en fait été retrouvées.
   Les corps auraient-ils été démembrés pour ne pas identifier les balles à l'origine de leur mort, s'est-on interrogé de source proche du dossier.
   Ces révélations de François Buchwalter, jugées "crédibles" par Me Baudouin, viennent à l'encontre d'autres témoignages d'officiers algériens en rupture de ban qui relevaient le rôle trouble des autorités algériennes et accusaient Alger d'avoir manipulé le groupe armé qui avait enlevé les moines.
   L'ancien attaché militaire a affirmé avoir appris la mort des moines dans le raid d'hélicoptères "quelques jours après les obsèques" et en avoir informé dans un rapport le chef d'état-major des armées français et l'ambassadeur.
   "Il n'y a pas eu de suite,
ils ont observé le ‘black-out’ demandé par l'ambassadeur", selon cette source proche du dossier, citant la déposition du général Buchwalter devant le magistrat.
   Ce témoignage est "la confirmation de ce que nous disons depuis l'origine, que c'est l'omerta qui a prévalu au nom de la raison d'Etat", a estimé Me Baudouin, par ailleurs président d'honneur de la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH).
   L'avocat a indiqué à l'AFP qu'il s'apprêtait à demander la levée du secret-défense "pour obtenir les rapports envoyés (par François Buchwalter, ndlr) au chef d'état-major des armées et à l'ambassadeur" ainsi que les auditions d'Hervé de Charette, à l'époque ministre des Affaires étrangères, d'agents des services de renseignement français ainsi qu'une nouvelle audition de Michel Lévêque, ambassadeur à Alger au moment des faits.

 

Annexe 3 : L'article de Ouest France, 9 juillet 2008

L'armée algérienne est mise en accusation dans un nouveau témoignage sur la mort des sept moines français, tués en 1996, en Algérie.

« Les sept moines français séquestrés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996, à Tibéhirine, par un groupe islamique infiltré par la sécurité militaire, furent tués depuis un hélicoptère de l'armée algérienne. » Cette révélation, c'est un haut fonctionnaire d'un gouvernement occidental qui vient de la faire au quotidien italien La Stampa, dans son édition de dimanche. Il y a un mois, il avait donné rendez-vous, à Helsinki, à Valerio Pellizzari, plume prestigieuse et réputée du journal italien. Un rendez-vous pour parler de l'affaire de Tibéhirine. Comme pour se soulager d'un secret trop longtemps tenu.
« Faux enlèvement »
Point par point, le haut fonctionnaire revient sur les zones d'ombre qui entourèrent l'enlèvement, puis l'exécution, des sept moines français. Le « faux enlèvement », dit-il, aurait été planifié par des cellules parallèles des services de sécurité, afin de montrer le danger que représentait la déferlante islamique. Dans l'opération, les ravisseurs islamistes n'étaient que des hommes de main.
Plus inédit, le haut fonctionnaire raconte la dynamique de ce qui serait une bavure de l'armée. L'enlèvement aurait dû se terminer par la libération des religieux, mais un soir de mai, un hélicoptère de l'armée repère un campement. Le chef d'escadrille tire sur le bivouac. « Les corps des moines étaient criblés de balles. C'est pour cela qu'au moment des funérailles, il n'y avait que les têtes qui furent déposées dans les cercueils. » Le détail macabre redoubla alors le sentiment d'horreur suscité par les groupes islamistes. Selon cette source, les moines auraient été décapités après leur mort pour camoufler la vérité.
Ce détail horrifiant ne fut d'ailleurs révélé par les autorités algériennes que sous l'insistance du père Armand Veilleux, procureur des Cisterciens, à son arrivée en Algérie. Le père Veilleux s'en souvient parfaitement. « Je leur ai dit que, si besoin était, j'aurais ouvert moi-même les cercueils avec un tournevis, raconte-t-il à Ouest-France. On nous avait menti », ajoute-t-il. Plus troublant encore, c'est un médecin légiste français qui pratiqua l'autopsie. « C'est un élément nouveau qu'apporte cet article très sérieux », affirme le père Veilleux. « J'espère qu'il va permettre de relancer l'enquête ». Et la mort, deux mois après, de Mgr Claverie, l'évêque d'Oran ? « Un prolongement de l'affaire », affirme le haut fonctionnaire. « Il en savait trop », assène Armand Veilleux, « la plupart des témoins ont été tués ».
Ce qui expliquerait l'anonymat demandé par le haut fonctionnaire. Quel poids accorder à son témoignage ? « C'est une personne très solide, pas quelqu'un de l'ombre », précise Valerio Pellizzari. Le Vatican, prudent, exprimait dimanche sa « stupeur ». Le cardinal Martino, patron de Justice et Paix, était, hier, moins prudent en affirmant que cette hypothèse « ne saurait être liquidée comme fantaisiste car ce ne serait pas la première fois que, sur le meurtre de religieux, les vérités d'État seraient démenties ».
Laurent MARCHAND.

 

Annexe 4 : L'article de la Stampa, 6 juillet 2008

Les moines en Algérie tués par les militaires

Après douze années un haut fonctionnaire occidental dévoile la vérité : « Un hélicoptère de l'armée algérienne mitrailla le bivouac où ils étaient retenus»
Par Valerio Pellizzari, Helsinki, La Stampa, 6/7/2008 (13:0) - ENQUETE,traduit de l'italien par Tahia Bladi


«Les sept moines Français enlevés dans la nuit entre le 26 et le 27 mars 1996 a Tibhirine par un groupe islamique infiltré par la sécurité militaire (ndt DRS), furent tués depuis un hélicoptère de l'armée algérienne. L'engin aérien survolait la zone des reliefs montagneux de l'Altlas Tellien autour de Médéa en compagnie d'un autre hélicoptère. C'était la mi mai, après le crépuscule. L'équipage avait repéré le feu d'un campement et le chef d'escadrille en personne, un colonel, avait tiré sur le bivouac. Depuis quelques temps déjà, les forces régulières ne s'aventuraient plus sur le terrain dans cette zone impraticable, faiblement peuplée et contrôlée par les intégristes : elles se limitaient à faire des reconnaissances aériennes et à combattre avec l'aviation. Après l'attaque, les engins aériens atterrirent près du bivouac. Les hommes à bord comprirent vite qu'ils avaient frappée la cible erronée. Le chef d'escadrille appela le commandement de la base d'hélicoptères détaché à Blida et dit clairement : “Nous avons commis une idiotie, nous avons tués les moines”. Ce fût ainsi que se conclut l’enlèvement».
La personnalité qui raconte cet événement parle pendant trois heures, durant deux rencontres séparées et sans la médiation d'aucun interprète. Elle se trouve provisoirement en Finlande. C'est un haut fonctionnaire d'un gouvernement occidental qui durant ces années là travaillait à Alger, avait des relations personnelles avec des personnages locaux très importants, et qui n'avait pas de contacts avec le monde opaque des services. Elle tient à le souligner avec une fermeté éduquée. C'est une personne qui peut sans ambigüité, écrire clairement sa profession sur sa carte de visite. «Je connais certes les intrigues profondes entre la nomenklatura d'Alger, entre les clans, les hauts officiers, les fonctionnaires de la toute puissante compagnie pétrolifère Sonatrach et les pays étrangers intéressés aux ressources énergétiques de cette ex-colonie (ndt française). Intéressés par conséquent à sa stabilité interne. Mais je crois que la politique ne peut descendre en deçà d'un niveau minimum de moralité. Je suis personnellement obligé de respecter le secret d'Etat que chaque gouvernement impose à ses fonctionnaires. Mais de cette manière le mensonge d'Etat se perpétue, avec lequel il n'est pas facile de coexister, surtout quand il se prolonge dans le temps. Il y a quelques années, la famille du Père Lebreton, une des victimes, avait déposé une plainte afin que soit instruite une enquête en France. Je croyais sincèrement que pour elles et les autres victimes allait finalement arriver une reconstruction claire et authentique des faits. Au lieu de cela, rien n'a changé».
Cela fait douze années que la mort de ces religieux reste enveloppée dans la réticence des institutions et dans l'indolence de la justice. C'est en décembre 2002 qu’Abdelkader Tigha, un jeune sous-officier du Centre de Recherche et d'information de Blida (1) qui avait déjà abandonné le DRS (2) et qui s'était réfugié à l'étranger, déclara publiquement que les moines avaient été conduits la nuit même de l’enlèvement dans sa caserne avec deux véhicules militaires. Dans l'opération les islamistes terroristes, représentaient seulement la main d'œuvre. Les vrais stratèges étaient des militaires «déviés». Ce fût le premier démenti précis et partiel du mensonge d'Etat. Mais sur la conclusion tragique de l'événement le mur du silence a résisté jusqu'à aujourd'hui.
«L’hélicoptère était un MI 24, un engin aérien de fabrication soviétique, doté comme on le sait d'armements utilisés avec une grande fréquence durant la guerre en Afghanistan. C'était une machine de guerre blindée très différente des hélicoptères légers que les Français avaient vendus aux algériens et qui était dotés de rayons infrarouges et d'autres systèmes électroniques de reconnaissance. Les corps des moines étaient criblés de balles. C'est pour cela, qu'au moment des funérailles il n'y avait que les têtes qui furent déposées dans les cercueils. Les autorités algériennes quant à elles s'empressèrent de parler de “dépouilles découvertes”. Et elles auraient continué à utiliser cette formule rituelle et trompeuse si un moine, le Père Armand Veilleux, à cette époque Procureur de l'ordre des Cisterciens, n'avait insisté afin de donner l'ultime Adieu à ses confrères afin d'obtenir l'ouverture des cercueils. Avant lui, le médecin légal des français avait visité les corps, il était au courant que les dépouilles étaient imprésentables et en avait référé à ses supérieurs. Ces cadavres massacrés auraient révélés au monde entier qui avait tiré sur sept cibles sans défense. Parce que ces projectiles là ne pouvaient appartenir qu'à un arsenal d'une armée régulière et n'étaient guère en dotation aux guerriers islamiques, qui, souvent lors de leurs incursions sanguinaires recouraient à l'arme blanche, organisaient des faux barrages en utilisant les uniformes de la gendarmerie et garaient des voitures piégées dans les rues les plus fréquentées».
Après le massacre, pendant quelques journées fébriles et confuses, une version officielle des faits fut construite. Au fil des années elle a montré des failles et des contradictions. Cet enlèvement au monastère avait été planifié afin de montrer le danger que représentait la déferlante islamique de manière à provoquer l'indignation internationale durant l’enlèvement des sept cibles humaines désarmées et qui devait se terminer avec leur libération et démontrer ainsi la fiabilité et l'efficience des autorités locales. Ce devait être la répétition à plus grande échelle, plus retentissante du faux enlèvement réalisé en 1993 quand trois fonctionnaires du consulat français avaient été capturés et libérés après 72 heures sans qu'ils aient subis la moindre égratignure.
«Une semaine après l'attaque de l'hélicoptère, le communiqué numéro 44 diffusé par le Gia (3), annonça que les moines avaient été tués le 21 mai. Dix jours après, les autorités colmataient le retard en déclarant que les “dépouilles” avaient étés retrouvées. Quiconque aurait analysé le message attribué aux fondamentalistes, en se consultant avec des spécialistes de l'Islam - même sans savoir ce qui s'était passé 7 jours avant autour du feu de camp du bivouac - aurait pu facilement déduire que c'était un faux document maladroitement construit par des mains militaires. Le communiqué précédent, le numéro 43 s'était révélé encore plus faux avec des citations erronées de versets coraniques. Il fût réexpédié après avoir été corrigé par les ravisseurs et transmis à la radio de Tanger (4).
Il était signé par l'émir Djamel Zitouni, un vendeur de poulets notoirement inculte, infiltré par le DRS au sein des milieux islamistes, rapidement promu aux sommets de la hiérarchie intégriste et aussitôt brusquement éliminé. Le communiqué 44 devait aux yeux des autorités algériennes dissimuler l'attaque de l'hélicoptère afin de prouver la responsabilité des islamistes. Les autorités algériennes avaient annoncé la découverte des corps le 31 mai, exactement un mois après la mort survenue pour causes naturelles du Cardinal Duval, un personnage légendaire dans ce pays. C'était une coïncidence manifestement suspecte. Dans leurs calculs, l'émotion suscitée par la disparition sereine et "douce" de Duval devait en quelque sorte atténuer, contenir et neutraliser l'émoi mondial suscité par l'assassinat des moines de Tibhirine et leur brutale décapitation réalisée une fois de plus à l'arme blanche. Les funérailles de fait furent célébrées à Notre Dame d’Afrique unissant en une unique cérémonie Duval et les Trappistes de l'Atlas».
De cette manière l'affaire de l’enlèvement se concluait neuf semaines après son début avec l'exaltation des sept martyrs chrétiens tués officiellement par les intégristes dans un pays islamique et enterrés aux contreforts de la montagne dans laquelle pendant des années ils avaient vécu, comme dans une deuxième patrie, bien intégrés avec les habitants des lieux, travaillant ensemble la terre du monastère.
Les autorités locales bénéficiaient d'au moins un soutien externe influent en la personne de l'archevêque d'Alger Mgr Henri Tessier qui cautionnait leur version des faits. Grand connaisseur du monde islamique, il avait dès le début de l’enlèvement adopté une ligne très circonspecte et prudente sur Tibhirine. Il n'était pas d'accord sur l'ouverture des cercueils et sur la sépulture des moines dans le monastère. Il ne voulait pas détériorer les rapports construits durant tant d'années de dur et patient travail entre l'Eglise catholique et le gouvernement algérien alors que sévissait la guerre civile qui avait éclaté en 1992. Même aux moments où le terrorisme apparaissait plus violent et acharné, sa résidence dans la colline avait toujours gardé la grille d'entrée ouverte et il n'y avait pas de militaires en uniforme à monter la garde. Pour lui, la vérité officielle ne montrait guère d'ombres alarmantes, bien au contraire, elle pouvait être acceptée sans perplexité. D'une certaine manière il était soutenu dans sa ligne de conduite par le général Rondot qui avait longtemps occupé les sommets de la hiérarchie des services de sécurité français et qui durant le printemps de l'année 1996 travaillait en tant que consultant au ministère de la défense à Paris. Il avait débarqué à Alger immédiatement après l’enlèvement et avait assuré à l'archevêque que l'affaire serait conclue très rapidement d'une manière positive. Dès son arrivée, Rondot se rendait régulièrement chaque jour au bureau du général Smaïl Lamari, responsable du DRS et ami personnel de longue date. On peut dire que l'Eglise et l'armée partageaient publiquement le même point de vue».
Avant la tragique conclusion de cet événement, il y avait une négociation en cours pour la libération qui avait pour support une cassette qui montrait les moines encore en vie filmés à l'intérieur d'une caserne avec un journal imprimé à une date récente.
«Le 30 avril un émissaire des ravisseurs s'était présenté à l'ambassade française. Il s'était fondu dans la chaîne des Algériens qui chaque jour se présentaient pour la demande de visa. Ses preuves en tant qu'envoyé de l'émir Zitouni étaient très floues : il n'avait jamais révélé son nom et démontrait une attitude plutôt suspecte, comme s'il craignait un piège. Les Français l'avaient pris au sérieux. Il demanda, selon le scenario habituel, un échange de prisonniers, de l'argent et des papiers pour s'expatrier. Afin de le protéger les Français l'avaient fait sortir de l'ambassade dans un de leur véhicule en lui donnant quelques numéros de téléphone en guise de contact mais depuis ce jour là ils n'eurent plus de nouvelles. Ils furent vite convaincus qu'il avait été éliminé ».
A cette date précise, les militaires «déviés» ne savaient plus où se trouvaient les moines. Le faux enlèvement avait déraillé. Certains officiers des services étaient convaincus depuis un certain temps, que les religieux de Tibhirine étaient restés au monastère non seulement pour continuer leur vie faite de prières et d'humble travail agricole mais surtout dans le but de fournir de temps à autre des informations aux Français sur les mouvements de la guérilla et des soldats de l'armée régulière opérant dans la zone. En somme, ces soutanes protégeraient des informateurs occasionnels. C'est une des nombreuses légendes, sans fondement en ces douze années de fuite de la vérité.
«En revanche, une autre chose est vraie : Un groupe formé d'autorités locales dont le plus actif était le préfet de Médéa était convaincu que les moines, avec leur neutralité et de par les soins prodigués à tous par le frère Luc, le médecin, constituaient une présence inadéquate et dérangeante dans cette zone. Il fallait leur flanquer la peur à ces religieux étrangers et les convaincre à abandonner les lieux. Le préfet avait lourdement insisté afin qu'ils partent. L'archevêque d'Alger quand à lui n’avait exercé aucune pression sur eux, cependant il leur avait offert en guise d'endroit alternatif un couvent de sœurs clarisses situé dans une autre région. Le faux enlèvement afin d'effrayer les têtus religieux n'avait pas été programmé au quartier général d'Alger aux sommets de l'appareil des services mais en périphérie. Même le CTRI de Blida soutenait cette opération. Et ce n'était pas le fruit du hasard que les véhicules qui avaient emmené les moines provenaient de ce centre et que c'était à ce même endroit qu'ils étaient revenus en tant que prisonniers le 27 mars. Pendant ce temps là à Alger, l'armée régulière - pas les services déviés - cherchaient avec vigueur les moines. Quiconque passait durant les jours successifs sous le bureau du général responsable du centre opérationnel voyait la lumière des lampes allumées : il avait donné l'assurance qu'il aurait cherché les moines avec tous les moyens et qu'il n'aurait jamais donné l'ordre de tirer».
Cette histoire est une confirmation ultérieure de la présence de deux tendances dans l'armée algérienne divisée entre la composante patriotique, nationaliste et la composante des services déviés, des généraux affairistes, liés à une gestion tortueuse du pouvoir. En 1956, l'Algérie n'était pas encore un pays indépendant, mais Abane Ramdane, l'idéologue du FLN, dénonçait déjà les chefs de la naissante armée de libération d'incompétents et d'arrivistes. Il sera assassiné un an après. Tout comme le président Boudiaf, figure historique et respectée de la guerre de libération, nommé depuis peu aux commandes du pays. De cet attentat rien ne fût jamais révélé. Trois ans plus tard, un des fondateurs du Front Islamique en exil en France, Abdelbaki Sahraoui, fût assassiné dans une mosquée de Paris. La chronique de l'Algérie indépendante est pleine d'homicides, commis dans Le pays et au delà des frontières. Comme celui de Monseigneur Claverie, l'évêque d'Oran.
« Cette mort doit être considérée comme un prolongement de Tibhirine. Deux mois après les funérailles des moines, le ministre des affaires étrangères Hervé de Charette s'était rendu en Algérie. Il avait insisté pour se rendre au monastère où les moines avaient été enterrés. Les Algériens étaient furieux de cette requête renouvelée avec obstination par le ministre qu'ils considéraient une démonstration typique d'arrogance de la part des ex-colonisateurs. Ils l'avaient déclaré en public, à voix haute et sans réticence. Cet enlèvement représentait encore un nerf à vif, un chapitre embarrassant dans les relations bilatérales. A la fin, ils cédèrent. C'était le premier août 1996. A cette occasion, le ministre rencontrait aussi l'évêque d'Oran Monseigneur Claverie, une personnalité ouverte, éloignée des méthodes feutrées et solennelles. Le religieux lui avait déclaré : nous connaissons les responsables de la mort des moines. Peu après Monseigneur Claverie prit un vol de ligne anticipant son départ fixé pour le jour suivant. Très peu de personnes étaient au courant de ce changement de programme à la dernière minute à part les personnes chargées du protocole, un fonctionnaire d'Air Algérie qui avait brutalement jeté à terre un passager et les plus proches collaborateurs. A son entrée à l'évêché une bombe l'attendait lui et son chauffeur. Contre toute loi de la physique, la porte fut éjectée par le souffle de l'explosion en direction opposée à celle indiquée dans le rapport des enquêteurs locaux. Dans l'affaire des moines, l'évêque d'Oran peut être considéré comme la huitième victime».

NDT:
(1) les CTRI sont les centres territoriaux de recherche et d’investigation. La torture y est aussi pratiquée. Il en existe à Blida, Oran et Constantine
(2) DRS : Département du renseignement et de la sécurité
(3) Gia : Groupe armé islamique

 

"I monaci in Algeria uccisi dai militari"

Dopo dodici anni un alto funzionario occidentale svela la verità: «Un elicottero dell’esercito mitragliò il bivacco dov’erano tenuti»
VALERIO PELLIZZARI
HELSINKI
I sette monaci francesi sequestrati nella notte tra il 26 e il 27 marzo 1996 a Tibhirine da un gruppo islamico, infiltrato dalla sicurezza militare, furono uccisi da un elicottero dell’esercito algerino. Il velivolo sorvolava la zona montuosa dell’Atlante attorno a Medea, assieme a un altro elicottero. Era metà maggio, dopo il tramonto. L’equipaggio aveva visto il fuoco di un accampamento e il caposquadriglia in persona, un colonnello, aveva sparato su quel bivacco». Le forze regolari non si avventuravano più da tempo sul terreno in quella regione impervia, scarsamente popolata, controllata dagli integralisti: si limitavano a fare ricognizioni aeree e a combattere con l’aviazione. Dopo l’attacco i velivoli atterrarono vicino al bivacco. Gli uomini a bordo capirono presto che avevano colpito il bersaglio sbagliato. Il caposquadriglia chiamò il comando del reparto elicotteri distaccato a Blida, da cui dipendeva, e disse chiaramente: “Abbiamo fatto un’idiozia, abbiamo ucciso i monaci”. Così si concluse quel sequestro».

Il signore che racconta questa vicenda parla per tre ore, in due incontri separati, senza la mediazione di alcun interprete. Si trova temporaneamente in Finlandia. È un alto funzionario di un governo occidentale, che in quegli anni lavorava ad Algeri, che aveva relazioni personali con personaggi locali importanti, e che non aveva contatti con il mondo opaco dell’intelligence. Ci tiene a ripeterlo con educata fermezza. È una persona che nel biglietto da visita può scrivere chiaramente la sua professione, senza ambiguità. «Certo conosco gli intrecci profondi tra la nomenklatura di Algeri, tra i clan, gli alti ufficiali, i funzionari della onnipotente compagnia petrolifera Sonatrach, e i Paesi stranieri interessati alle risorse energetiche di quella ex colonia. Interessati quindi, di riflesso, alla sua stabilità interna. Ma credo che la politica non possa scendere sotto un livello minimo di moralità. Personalmente sono obbligato a rispettare il segreto di Stato che ogni governo impone ai suoi funzionari. Ma in questo modo si perpetua anche la menzogna di Stato, con la quale non è facile convivere, soprattutto quando si prolunga nel tempo. Qualche anno fa la famiglia di padre Lebreton, una delle vittime, aveva fatto denuncia perché venisse aperta un’inchiesta in Francia. Credevo sinceramente che per loro, e le altre vittime, sarebbe arrivata finalmente una ricostruzione chiara, autentica, dei fatti. Invece nulla è cambiato».

Sono dodici anni che la morte di quei religiosi rimane avvolta dalla reticenza delle istituzioni, e dall’indolenza della giustizia. Solo nel dicembre 2002 Abdelkader Tigha, un giovane sottufficiale del Centro di ricerche e informazioni di Blida, che aveva già abbandonato la Sicurezza militare algerina e si era rifugiato all’estero, dichiarò pubblicamente che i monaci erano stati portati la notte stessa del sequestro nella sua caserma, con due veicoli dei militari. Nell’operazione gli islamici, i terroristi, rappresentavano solo la manodopera. I registi veri erano i militari «deviati». Quella era la prima smentita precisa, parziale, della menzogna di Stato. Ma sulla tragica conclusione della vicenda il muro di gomma ha resistito fino ad oggi. «L’elicottero era un MI 24, un velivolo di costruzione sovietica, con tutta una dotazione ben nota di armamenti, usato con grande frequenza durante la guerra in Afghanistan. Era una macchina da guerra, corazzata, molto diversa dagli elicotteri leggeri che i francesi avevano venduto agli algerini, dotati di raggi infrarossi e di altre apparecchiature elettroniche utili per la ricognizione. I corpi dei monaci erano crivellati di colpi e per questo, al momento dei funerali, nelle bare furono messe solo le teste. Le autorità invece parlarono subito di “spoglie ritrovate”. E avrebbero continuato con quella formula rituale e ingannevole se un monaco, padre Armand Veilleux, all’epoca Procuratore dell’ordine dei cistercensi, non avesse insistito per dare l’ultimo saluto ai suoi confratelli e ottenere la riapertura delle bare. Prima di lui però il medico legale dei francesi aveva visto quei corpi, sapeva bene che le spoglie erano impresentabili, e aveva riferito ai suoi superiori. Quei cadaveri martoriati avrebbero rivelato a tutti chi aveva sparato ai sette bersagli inermi. Perché quei proiettili potevano appartenere solo agli arsenali di un esercito regolare, non erano certo in dotazione ai guerriglieri islamici, che spesso nelle loro incursioni sanguinarie ricorrevano all’arma bianca, che organizzavano finti posti di blocco utilizzando le divise della gendarmeria, che parcheggiavano auto esplosive nelle vie più affollate».

Dopo la strage, per alcune giornate febbrili e confuse, fu costruita una versione ufficiale dei fatti che con il passare degli anni ha mostrato falle e contraddizioni. Quel rapimento al monastero era stato progettato per mostrare la pericolosità dilagante degli islamici, per sollevare l’indignazione internazionale durante la prigionia dei sette bersagli inermi, ma per concludersi con la liberazione, dimostrando così l’affidabilità, l’efficienza delle autorità locali. Doveva essere la ripetizione, allargata, più clamorosa, del finto sequestro compiuto nel 1993 quando tre funzionari del consolato francese ad Algeri erano stati catturati, ma anche liberati in settantadue ore senza un graffio. «Una settimana dopo l’attacco dell’elicottero, emergeva il comunicato numero 44 del Gia, del Gruppo armato islamico, con l’annuncio che i monaci erano stati uccisi il 21 maggio. Dieci giorni dopo le autorità colmavano il ritardo e dichiaravano che erano state ritrovate le “spoglie”. Chi aveva analizzato il messaggio attribuito ai fondamentalisti, consultandosi con alcuni specialisti dell’islam - anche senza sapere cosa era avvenuto sette giorni prima attorno al fuoco del bivacco - lo considerava un documento fasullo, malamente costruito da mani militari. Ma si era rivelato ancora più fasullo il documento precedente, il numero 43, con le citazioni errate dei versetti del Corano, rispedito corretto dai sequestratori una seconda volta, e trasmesso dalla radio di Tangeri. Era firmato dall’emiro Djamel Zitouni, un venditore di polli notoriamente incolto, infiltrato dalla Sicurezza militare negli ambienti islamici, salito rapidamente ai vertici della gerarchia integralista, e altrettanto bruscamente eliminato. Il comunicato 44 doveva coprire l’attacco dell’elicottero, confermare la responsabilità degli islamici. Le autorità algerine avevano annunciato il ritrovamento dei corpi il 31 maggio, esattamente due ore dopo la morte naturale del cardinale Duval, un personaggio leggendario in quel Paese. Era una coincidenza di tempi palesemente sospetta. Nei loro calcoli l’emozione per la scomparsa serena, incruenta, di Duval doveva in un certo modo deviare, contenere, neutralizzare, l’emozione ben più diffusa - soprattutto all’estero - per l’uccisione dei monaci inermi di Tibhirine, brutalmente decapitati, ancora una volta con il rituale dell’arma bianca. E i funerali infatti verranno celebrati nella cattedrale di Algeri, dedicata a Notre Dame d’Afrique, unendo in un’unica cerimonia Duval e i trappisti dell’Atlante».

In questo modo la vicenda del sequestro si chiudeva nove settimane dopo il suo inizio, con l’esaltazione dei sette martiri cristiani uccisi ufficialmente dagli integralisti in un Paese islamico, e sepolti alle pendici della montagna dove per anni avevano vissuto, come in una seconda patria, bene integrati con la gente del luogo, lavorando insieme la terra del monastero. «Le autorità locali avevano almeno un sostenitore esterno autorevole, che condivideva la loro versione dei fatti. Henri Teissier, l’arcivescovo di Algeri, grande conoscitore del mondo islamico, aveva fin dall’inizio adottato una linea molto cauta e prudente su Tibhirine. Non era d’accordo sull’apertura delle bare, e sulla sepoltura dei monaci al monastero. Non voleva danneggiare i rapporti costruiti in tanti anni di lavoro paziente tra Chiesa cattolica e governo algerino, mentre attorno imperversava la guerra civile scoppiata dopo il 1992. Anche nei momenti in cui il terrorismo appariva più violento e accanito, la sua residenza in collina aveva sempre mantenuto il cancello aperto, e non c’erano militari in divisa a montare la guardia. Per lui la verità ufficiale non mostrava ombre allarmanti, ma al contrario poteva essere condivisa senza perplessità. In qualche modo lo aveva sostenuto in questa linea anche il generale Rondot, ai vertici della sicurezza francese per molto tempo e in quella primavera 1996 consulente del ministro della difesa a Parigi. Subito dopo il sequestro era sbarcato ad Algeri, assicurando l’arcivescovo che la vicenda si sarebbe conclusa positivamente molto presto. Rondot dopo il suo arrivo si recava regolarmente, ogni giorno, nell’ufficio del generale Lamari, responsabile della sicurezza algerina, suo vecchio amico da anni. Si può dire che Chiesa e militari in pubblico avevano la stessa posizione». Prima della conclusione tragica della vicenda c’era stata una trattativa per la liberazione, con una cassetta video che mostrava i monaci ancora in vita, ripresi in una caverna, con un giornale stampato in data recente. «Il 30 aprile era andato all’ambasciata francese un emissario dei sequestratori. Si era mimetizzato nella fila degli altri algerini che ogni giorno si presentavano per chiedere un visto. Le sue credenziali come inviato dell’emiro Zitouni erano abbastanza approssimative: non aveva mai fatto il suo nome, e aveva un atteggiamento molto sospettoso, come temesse una trappola. I francesi lo avevano preso egualmente sul serio. Chiedeva secondo un copione abituale uno scambio di prigionieri, soldi, e documenti per l’espatrio. Per proteggerlo i francesi lo avevano fatto uscire dall’ambasciata dentro una loro auto, gli avevano lasciato alcuni numeri telefonici di contatto ma dopo quel giorno non si era più fatto vivo. Si convinsero presto che era stato eliminato». A quella data i militari «deviati» non sapevano più dove fossero finiti i monaci, il finto sequestro era già deragliato. Alcuni ufficiali della Sicurezza erano convinti, già da tempo, che i religiosi di Tibhirine fossero rimasti nel monastero non solo per continuare la loro vita di preghiere e umile lavoro agricolo, ma anche per fornire di tanto in tanto informazioni ai francesi sul movimento di guerriglieri e soldati regolari nella zona. Che insomma, quelle tonache, proteggessero degli informatori saltuari. È una delle tante leggende, senza fondamento, cresciute in questi dodici anni di fuga dalla verità. «È vera invece un’altra cosa. Un gruppo di autorità locali, tra cui il più attivo era il prefetto di Medea, erano convinte che i monaci, con la loro neutralità, con le cure garantite a tutti da padre Luc, il medico, fossero una presenza impropria, disturbante in quella zona. Bisognava mettere paura a quei religiosi stranieri, convincerli ad abbandonare quel luogo. Il prefetto aveva insistito più volte perché si ritirassero. L’arcivescovo non aveva fatto pressioni, ma aveva comunque offerto come sede alternativa un convento delle suore clarisse, in un’altra zona. Il finto sequestro per impaurire quei religiosi cocciuti non era stato ideato al quartier generale di Algeri, ai vertici dell’apparato di sicurezza, ma in periferia. Anche il Centro di informazioni di Blida sosteneva quell’operazione. E non a caso i veicoli che avevano prelevato i monaci venivano da quella caserma, e lì erano ritornati con i prigionieri il 27 marzo. Mentre ad Algeri l’esercito regolare, e non la Sicurezza deviata, cercava con impegno i sequestrati. Chi passava nei giorni successivi sotto l’ufficio del generale responsabile del centro operativo vedeva la luce sempre accesa: aveva assicurato che avrebbe cercato i monaci con tutti i mezzi, e che non avrebbe mai dato l’ordine di sparare».

Ma questa è un’ulteriore conferma delle due anime dell’esercito algerino. Diviso tra la componente patriottica, nazionalista, professionale, e la componente deviata della sicurezza, dei generali affaristi, legati a una gestione tortuosa del potere. Nel 1956 l’Algeria non era ancora un Paese indipendente, ma Ramdane Abane, ideologo del Fronte nazionale, denunciava i capi del nascente esercito di liberazione di incapacità e arrivismo. Verrà assassinato un anno dopo. Come nel 1992 verrà assassinato il presidente Boudjiaf, figura storica e rispettata della guerra di liberazione, nominato da pochi mesi ai vertici del Paese. Di quell’attentato non si è scoperto mai nulla. Tre anni dopo uno dei fondatori del Fronte islamico, in esilio in Francia, Abdelbaki Sahraoui, verrà ucciso dentro una moschea di Parigi. La cronaca dell’Algeria indipendente è carica di omicidi eccellenti, compiuti in patria e oltre confine. Come quello contro monsignor Claverie, vescovo di Orano. «Questa morte deve essere considerata un’appendice di Tibhirine. Due mesi dopo i funerali dei monaci il ministro degli Esteri francese, de Charette, era andato in visita ad Algeri. Aveva insistito per recarsi al monastero dove i monaci erano stati sepolti. Gli algerini erano infuriati per questa richiesta, e per l’ostinazione del ministro nel rinnovarla, la consideravano una dimostrazione di arroganza tipica degli ex colonizzatori. Lo avevano detto in pubblico, ad alta voce, senza alcuna reticenza. Quel sequestro era ancora un nervo scoperto, un capitolo imbarazzante nelle relazioni bilaterali. Alla fine cedettero. Era il primo agosto 1996. Il ministro incontrava in quella occasione anche il vescovo di Orano, monsignor Claverie, una personalità aperta, lontana dai metodi felpati e curiali. Il religioso gli aveva detto: conosciamo i responsabili per la morte dei monaci. Poco dopo Claverie prese un volo di linea, anticipando la partenza fissata per il giorno dopo. Pochissimi sapevano di quel cambiamento all’ultimo minuto, se non il protocollo, qualche funzionario di Air Algerie che aveva lasciato a terra brutalmente un passeggero, e i collaboratori più stretti. Al suo ingresso nel vescovado una bomba attendeva lui e il suo autista. Contro ogni legge della fisica la porta fu scagliata dall’esplosione in direzione opposta a quella indicata dal rapporto degli investigatori locali. Nella vicenda dei monaci il vescovo di Orano può essere considerato l’ottava vittima».